Îles | Bernardie-Tahir, Nathalie

Îles 686 insulaire méditerranéenne sont en effet répartis dans cinq îles (Sicile, Sardaigne, Chypre, Majorque et Crète), les deux premières totalisant à elles seules plus de la moitié des effectifs, tandis que le reste des insulaires s’éparpille dans près de deux cents îles de tailles diverses. Les densités se révèlent aussi très contrastées, avec un record observé dans le petit archipel maltais avec plus de 1 300 hab./km 2 en 2012, une situation tranchant fortement avec la vacuité du territoire corse, par exemple, illustrée par une densité de 36 hab./km 2 . Toutefois, si ces statis- tiques ont l’avantage de donner une idée précise des formes actuelles de peu- plement, elles ne disent rien sur l’importance des évolutions démographiques qui ont profondément marqué l’histoire moderne et contemporaine des îles. Celles-ci forment en effet des lieux emblématiques de la dynamique migra- toire de la Méditerranée, cet « espace mouvement » minutieusement étudié par Fernand Braudel. À l’instar d’une partie des terres continentales riveraines, elles ont été dans le passé des lieux de brassage, de passage, mais aussi de départ que les îliens, en quête de nouvelles ressources ou animés de rêves d’Ailleurs, quit- taient pour d’autres rivages, ou d’autres mondes, tissant ainsi les contours de puissantes diasporas. À la Renaissance, un grand nombre d’îles méditerranéennes sont des mondes pauvres et affamés que l’on quitte pour survivre. C’est ainsi que Djerbiens, Corses ou Maltais, par exemple, essaimèrent tout au long des xvi e - xvii e siècles en de multiples points du rivage de la Méditerranée. Puis les migra- tions se poursuivirent vers les terres plus lointaines d’Europe et des Nouveaux Mondes, particulièrement lors de la période contemporaine au cours de laquelle les Siciliens, notamment, furent près de 2 millions d’effectifs cumulés à quit- ter leur île entre 1860 et 1970, principalement vers l’Allemagne, la Suisse et les États-Unis. Depuis les décennies 1970‑1980, la plupart de ces îles ont assisté à un renversement des courants migratoires, constituant désormais des terres où l’on vient ou revient, points de convergence pour les anciens émigrés insu- laires, les migrants économiques attirés par les nouvelles possibilités de travail, les néorésidents européens séduits par l’effet sun-belt et autres migrants interna- tionaux qui utilisent souvent ces lieux comme des pierres de gué sur une trajec- toire tendue vers l’Europe continentale. La fatalité des îles semble aujourd’hui devenir une chance, au point qu’un certain nombre d’entre elles enregistrent au cours des dernières années une croissance démographique significative, après une longue période de déclin : au cours de la seule décennie 2000, la popula- tion des Baléares est passée de 796 000 à 1,1 million, celle de Lesbos de 90 600 à 106 000 et celle de la Corse de 260 000 à 313 000. Cette pulsation migratoire, rythmée par des phases d’émigration et d’immigration, représente une donnée essentielle pour comprendre la manière dont les sociétés insulaires se sont for- gées dans le temps, oscillant entre ouverture et fermeture, mais toujours reliées au reste du monde par les innombrables liens diasporiques.

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