Identification (Antiquité - Epoque moderne) | Moatti, Claudia; Kaiser, Wolfgang

Identification 668 sur elle à un tiers ; enfin un individu veut s’auto-identifier devant une autre per- sonne ou une institution. Dans tous les cas, plusieurs types d’opérations peuvent avoir lieu : reconnaissance directe de la personne, jugement sur l’adéquation entre les déclarations d’une personne et leur plausibilité, contrôle de l’authenticité des preuves d’identité. L’identification est ainsi un fait relationnel, le résultat de dif- férents processus de communication, et produit toutes sortes de procédures, qui ont circulé dans l’espace méditerranéen au cours des siècles, et dont l’historien doit reconstruire les adaptations, transformations et innovations. Partons tout d’abord de plusieurs postulats : l’identification constitue un dis- positif idéologique car l’identité n’est qu’une fiction ; la vérification en constitue un autre, c’est pourquoi elle est aporique car l’horizon de vérité se trouve sans cesse repoussé. Deuxième postulat : tous les modes d’identification relèvent de la catégorie des signes (le vêtement, les insignes, le nom, le document écrit, le témoignage, etc.). Mais selon les époques, certains ont le statut de signes pri- maires, d’autres le statut de preuves légales. Par exemple, dans le monde orien- tal et dans le monde grec archaïque, l’empreinte d’un pas sur la terre constitue un élément de la personnalité ; elle est, pourrait-on dire, un signe doublement référé à la personne absente et au lieu où elle est passée, et, en tant que telle, constitue un moyen de reconnaissance irréfutable, au même titre que les che- veux ou les traces d’ongles. Dans la Grèce classique, au contraire, ces éléments n’ont aucune valeur probatoire. Ces deux catégories de signes répondent à deux logiques différentes : reconnaissance et identification. La première se contente d’indices, la seconde exige des preuves. Nous parlerons de signe-indice pour désigner le visible duquel on croit pouvoir induire une identité, quelle qu’elle soit ; de preuve pour ce qui est censé, par décision collective, établir l’identité sociale. Signe par exemple : le symbolon , jeton d’hospitalité, qui joue un rôle de laissez-passer, à l’image de ce qu’il fut dans la société des initiés pythagoriciens, un mot de passe en quelque sorte. Autre signe, le vêtement dont on peut notamment déduire l’appartenance sociale. Ou encore, plus éphémère mais bien noté dans les descriptions d’es- claves fugitifs dans l’Antiquité romaine ou les signalements d’espions à l’époque moderne, la voix et la façon de parler, mais aussi la gestuelle et la manière de se conduire, qui soulignent le caractère performatif de la reconnaissance : tel est le cas pour les déclarations des gens de passage dans les logis des villes portuaires à l’époque moderne. Preuves : les témoins, capables durant de longs siècles d’iden- tifier un individu, de certifier que des paroles ont été prononcées (et que le docu- ment en est la transcription exacte), ou encore qu’un acte a eu lieu. Le témoin, testis en latin, fut longtemps la preuve par excellence d’une action, d’une déci- sion, à condition de répondre à certains critères stricts. Il était même à l’origine bien plus : le garant de la validité d’un acte. Dans le procès du poète Archias,

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