Identification (Antiquité - Epoque moderne) | Moatti, Claudia; Kaiser, Wolfgang

Identification 669 accusé d’avoir usurpé la citoyenneté romaine, Cicéron défend la supériorité du témoignage sur les documents écrits, ici les registres du cens disparus dans un incendie, et s’indigne que son adversaire adopte l’attitude inverse : « […] c’est une plaisanterie […] de rechercher des preuves que nous ne pouvons avoir, de rester muet sur l’attestation des personnes, et de réclamer l’attestation des écrits, enfin […] de repousser des éléments qui ne peuvent en aucune façon être falsi- fiés et de réclamer des registres dont pourtant tu déclares qu’ils sont d’ordinaire altérés. » ( Pro Archia , 8‑9.) Cicéron oppose d’un côté des registres qui sont susceptibles de falsification, de l’autre les témoignages d’hommes dignes de foi, qui, ajoute-t‑il peu après, ont été aussi de véritables acteurs dans cette affaire. L’argument a le mérite de poser la question fondamentale des moyens de la preuve dans les domaines de l’identi­ fication et du passage de la fides des témoins à celle du document. On pourrait évoquer comme un moment crucial les recherches de noblesse au xvii e siècle en France où les témoignages d’amis attestant le vivre noblement et le passé noble d’une famille sont joints au dossier des preuves de noblesse. Pour comprendre cette histoire dans la longue durée, il faudrait assurément distinguer les docu- ments écrits selon leur nature (les actes émanant de l’autorité publique, ou les documents fondés sur la fides du déclarant et rédigés à la première personne), leur support (tablette, papyrus, parchemin, objets), les moyens employés pour les valider (témoins ou sceaux, etc.). L’histoire des procédés d’identification croise ainsi celle des techniques d’écriture et des modes d’authentification, et on voit bien ce qu’elles reflètent : les exigences de précision de la part des auto- rités dans chaque société , et les limites acceptées, c’est-à-dire les risques qu’elles prennent à la falsification. Les marqueurs d’identité Dans les sociétés précontemporaines, les marqueurs d’identité étaient multiples et se cumulaient, aucun n’étant considéré comme suffisamment fiable ni valable pour tous. On trouve dans l’histoire de la Méditerranée, de l’Antiquité à l’époque moderne, aussi bien les signes physiques particuliers (cicatrice, tatouage), la signa- ture, voire la « main », c’est-à-dire l’écriture « formatée » et identifiable d’un mar- chand, la déclaration orale ou écrite (auto-identification simple ou sous serment), les insignes de distinction (vêtement, chaussure, anneau), les objets figurés (sceaux, symbola , tessères d’hospitalité). Il existait aussi toutes sortes de documents écrits qui permettaient de prouver un privilège (déclaration de naissance ou conces- sion d’immunité), de circuler (laissez-passer, attestations de congés militaires, attestations d’immunité, etc.) ou de résider quelque part (certificats de résidence,

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