Granqvist, Hilma | Naili, Falestin

Granqvist, Hilma 610 faire intervenir la sienne propre. C’est un choix conscient qu’elle fait afin d’évi- ter de donner des « explications européennes ». Elle croit que les femmes sont les meilleures interlocutrices pour sa recherche, parce qu’à son avis, elles s’inté- ressent plus aux détails que les hommes et parce qu’elles sont moins influencées par des éléments extérieurs à leur culture et à leurs traditions. Hilma Granqvist présente comme membres de son « comité de recherche » deux villageoises (‘Alya Ibrâhîm et Hamdîya Sanad) et son hôtesse Louise Baldensperger, fille d’un mis- sionnaire alsacien. Granqvist remet rarement en question les explications four- nies par les trois membres de son comité, mais essaie plutôt de les comprendre et de les situer dans le contexte de la vie au village. Dans ses livres, Hilma Granqvist ne donne pas une image monolithique de la communauté paysanne, mais montre à plusieurs reprises la flexibilité et les contra- dictions dans les pratiques des gens. Et bien qu’elle ne prête pas assez attention aux transformations historiques qui influencent la vie à Artâs à l’époque, elle ne présente pas la société villageoise comme immobile. Au contraire, elle montre des complexités et des contradictions dans les pratiques sociales et culturelles qui avaient souvent été occultées dans les écrits des orientalistes à la recherche d’un Est stagnant. Elle insiste sur le fait que théorie et pratique puissent différer beaucoup dans la vie quotidienne au village, comme par exemple pour le choix d’une épouse : en théorie, il y a une forte préférence pour les femmes d’Artâs, et en particulier pour la cousine paternelle, mais en réalité, presque la moitié des mariages enregistrés par Hilma Granqvist sont conclus entre des hommes d’Artâs et des femmes d’ailleurs. Granqvist essaie par ailleurs de remettre en cause des idées reçues concernant la soumission de « la femme orientale ». Elle est persua- dée que lorsqu’on a écouté les femmes parler elles-mêmes de leur vie, l’idée de l’oppression de « la femme orientale » n’est plus aussi claire qu’elle ne le semble dans beaucoup d’écrits de cette époque. Hilma Granqvist critique la littérature existante sur la Palestine pour ses lacunes ethnographiques et pour son manque d’exactitude, qui – à son avis – sont dus au moins en partie à l’association trop étroite faite entre les coutumes contemporaines palestiniennes et celles de la Bible, en particulier celles de l’Ancien Testament. Bien qu’elle croie qu’il existe des parallèles entre les coutumes des Palestiniens contemporains et les coutumes bibliques, elle porte un regard cri- tique sur la création d’un lien trop étroit entre les deux. Elle suggère que beau- coup de chercheurs de son époque ont succombé à ce qu’elle appelle le danger biblique, c’est-à-dire « la tentation d’identifier de manière non critique les us et les coutumes et les visions de la vie d’aujourd’hui avec ceux de la Bible, parti­ culièrement ceux de l’Ancien Testament ». Sa rupture avec le modèle orientaliste classique comme cadre sine qua non des études sur la Palestine et certains de ses choix méthodologiques sortant du

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