Goitein, Shelomo Dov | Perta, Giuseppe

Goitein, Shelomo Dov 602 d’une coexistence difficile mais productive en termes de développement éco- nomique, social et culturel, en abordant le problème de l’« origine commune » des deux peuples, la conquête arabe, l’avancée turque en Méditerranée jusqu’à la naissance de l’État d’Israël. Même si la production scientifique de Goitein est très vaste (plus de 600 titres regroupant livres, articles et comptes rendus), son œuvre restera éternellement associée à la Genizah du Caire et au portrait d’une « société méditerranéenne » (A Mediterranean Society) conçu à travers trente-sept années d’études des docu- ments égyptiens. Le dépôt de la Genizah fut découvert en 1890 – Solomon Schechter fut le premier à l’étudier – et révèle un trésor de sources datant de la moitié du x e siècle à la moitié du xiii e . Dans la langue hébraïque médiévale, genizah signifie « dépôt d’écrits jetés ». Les juifs pratiquants ne détruisent pas la carte où est écrit le nom de Dieu et, puisqu’ils considèrent l’écriture hébraïque comme sacrée, de la même manière ils préservent les cartes au contenu séculier mais avec caractères hébraïques, tant en hébreu qu’en arabe. Dans une genizah , les cartes sont « enterrées » sans que l’on se préoccupe d’archivage ou de catalo- gage. Le climat sec de l’Égypte a contribué à la conservation de ces documents. La Genizah du Caire, qui pour l’histoire de la Méditerranée est la Genizah par excellence, était attachée à une synagogue à Fustât (Vieux Caire). Les documents furent dispersés dans diverses bibliothèques en Europe et aux États-Unis. On compte 15 000 fragments, du plus petit au plus consistant. Les lettres commer- ciales prédominent – d’où l’importance de la découverte pour servir à l’histoire économique de la Méditerranée ( Letters of Medieval Jewish Traders , Princeton University Press, Princeton, 1973) –, mais les dépositions juridiques (litiges, mariages, testaments), la correspondance privée et le matériau littéraire (en parti- culier les textes religieux, philosophiques, scientifiques et folkloriques) sont aussi nombreux. La Genizah est une source fondamentale pour les périodes fatimide et ayyoubide, et pour l’histoire de la Méditerranée entre le haut Moyen Âge et l’époque des croisades. Une grande partie de la documentation a son origine en Égypte, mais il y a également des sources produites en Palestine, en Sicile et en Tunisie. L’enquête fondée sur cette énorme masse de documents (dont la plupart sont en arabe, écrits en caractères hébraïques) nous livre le détail des dynamiques économiques et commerciales, des structures sociales (à partir de la famille), de la dévotion, de la manière de comprendre la foi, des relations inter- religieuses, de la façon de manger, de s’habiller, de penser, de vivre. Une des premières étapes de Goitein vers la Genizah fut un voyage à Budapest en 1948. Tout en travaillant pour mettre en ordre les manuscrits de la collec- tion David Kaufmann, il prépare sa pérégrination à la recherche du matériel de la Genizah dispersé dans plusieurs endroits. Lorsqu’il se rend à Philadelphie, où se trouvait une partie des documents, il définit son projet sur le commerce des

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