Goitein, Shelomo Dov | Perta, Giuseppe

Goitein, Shelomo Dov 603 juifs avec l’Inde, une enquête qui lui ouvre la route de la Méditerranée. À l’exclu- sion de certains travaux pionniers de Bernard Lewis sur les sources islamiques, on savait peu des relations entre l’océan Indien et la Méditerranée. En ce sens, en 1954, Goitein écrit un article emblématique dans la revue Speculum (xxix, 2, 1, p. 181‑197), publiée par The Medieval Academy of America : « From the Mediterranean to India: Documents on the Trade to India, South Arabia and East Africa from the Eleventh and Twelfth Centuries ». Après avoir lu l’article, Clemens Heller, qui travaillait aux côtés de Braudel au Centre de recherches his- toriques, encourage la publication des travaux sur le commerce avec l’Inde dans la collection de l’École pratique des hautes études, dont Braudel dirigeait la sixième section. Braudel finance, en sa qualité de directeur, les recherches sur les docu- ments de la Genizah qui, finalement, aboutiront, dans l’œuvre The Mediterranean Society . Plus tard, comme il l’a écrit en 1978, Goitein réalise qu’il doit faire marche arrière. Après une année de dur labeur, il était évident qu’il s’agissait d’une entre- prise discutable : le commerce indien, comme on évince des documents de la Genizah, était tout simplement l’une des nombreuses activités d’une société fortement développée et en expansion croissante. On ne peut pas étudier une branche sans connaître le tronc et les racines. Durant l’été 1958, il écrit : « I was off India and on the Mediterranean. » ( A Mediterranean Society , I, 1967, p. viii.) Toutefois Goitein n’abandonnera jamais son intérêt pour l’Orient, étroitement lié à la Méditerranée, par voie de terre – l’ancienne Route de la soie –, et par voie maritime, qui passe par la mer Rouge. Malgré des interruptions, le travail de Goitein est toujours resté attaché au soi-disant India Book (nom provisoire qu’il donna à son projet), qu’il n’a pas vu réalisé : il aurait dû conduire à l’édi- tion, avec la traduction et le commentaire de plus de 400 lettres de la Genizah écrites entre 1080 et 1240 par des marchands qui pratiquaient le commerce avec l’Orient. Goitein pensait, dès 1955, être proche de la fin de l’ouvrage, mais il dut se mesurer à son perfectionnisme et à sa rigueur philologique. Il admettra, plus tard, que ce travail était finalement colossal. En fait, Mordechai Friedman, qui en a assumé la charge et a eu l’honneur d’achever cette entreprise si complexe, a mis plus de vingt ans après la disparition de Goitein pour terminer la publica- tion dans une forme quelque peu différente : India Traders of the Middle Ages: Documents from the Cairo Geniza. “India Book” (Brill, Leyde – Boston, 2008). Après un demi-siècle de gestation, on peut actuellement consulter l’édition de 200 documents, accompagnés, dans les volumes successifs (Benzvi Institute, Jérusalem, 2008‑2013), de la correspondance relative à certains grands mar- chands : Joseph Lebdi, originaire de Tripoli de Libye : Joseph Lebdi – Prominent India Trader: Cairo Geniza Documents (2009) ; Madmûn Nagid du Yémen : Mad. mūn Nagid of Yemen and the India Trade: Cairo Geniza Documents (2010) ; Abraham ben Yijû : Abraham ben Yijū India Trader and Manufacturer: Cairo

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