Frontière | Cattaruzza, Amaël; Sintès, Pierre

568 Frontière marquage politique. » Ces délimitations induisent des asymétries spatiales (poli- tiques, économiques, culturelles, etc.) qui peuvent être l’objet de relations inégales, négociées ou conflictuelles. La dimension relationnelle de la frontière est souli- gnée par la notion de « dyade », néologisme créé par Michel Foucher (1991), qui désigne un tronçon de frontière commun à deux États. La frontière est aussi une réalité juridique en tant que limite entre des espaces de juridiction sur lesquels deux États exercent la plénitude de leur pouvoir. Aujourd’hui, ces définitions tendent à s’élargir pour désigner des limites s’appliquant à tout type d’acteurs, institutionnels ou non (frontières administratives, économiques, identitaires, linguistiques, etc.). Souvent, la délimitation et la matérialisation des frontières sont révélatrices des rapports de pouvoir sur la scène internationale, et ce, à plusieurs niveaux. En effet, la plupart des frontières mondiales ont été tracées par « des instances ou des États “producteurs” de frontières : la Chine, les Empires ottoman, bri- tannique, français, portugais, espagnol, allemand et russe, ainsi que la papauté et des conférences internationales » (Foucher, 1991, p. 49). Par ailleurs, les tra- cés frontaliers, même quand ils font l’objet de négociations, sont le fruit des rap- ports de force et des relations plus ou moins équitables entre les États concernés. Ce constat est particulièrement adapté aux frontières méditerranéennes, et cela à plusieurs niveaux. Quelques exemples permettront de l’illustrer après avoir tout d’abord présenté les dynamiques de création des frontières politiques ainsi que la réalité de ces objets pour les sociétés qu’elles concernent. Des frontières aux origines multiples Les rapports de force apparaissent tout d’abord dans l’origine historique des tra- cés actuels (notion d’« orogenèse », ou genèse des tracés frontaliers). En effet, dans le cas des États européens de la rive nord, un grand nombre d’entre eux (France, Italie, Espagne, Turquie, Grèce) sont dotés d’une enveloppe fronta- lière qui est le produit de processus longs de construction d’États-nations. Leurs limites vont se figer sur la carte et dans les représentations tout au long des xix e et xx e siècles (même si certains tracés ne sont que la perpétuation de limites his- toriques plus anciennes) et ces délimitations sont issues de dynamiques internes, ou de négociations et de traités de paix entre États voisins (matérialisation d’an- ciennes lignes de front ou négociations d’après-guerre). Cette remarque mérite néanmoins d’être nuancée pour certains pays des Balkans dont les frontières reprennent en partie des tracés historiques intra- et interimpériaux, comme dans le cas de la frontière slovéno-croate (limite interne au sein de l’Empire austro-­ hongrois), et de la frontière bosno-croate (ancienne frontière entre l’Empire

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