Épices | Bammi, Jamal

Épices 490 marchandises rares. Rares, mais pas inconnues puisque le monde romain savait parfaitement que les épices provenaient des Indes avec lesquelles il avait établi des liens commerciaux. Les botanistes grecs mentionnent la cannelle, la carda- mome et le poivre (Dufourcq, 1978, p. 172). Une autre définition vient confor- ter la dernière ; elle est donnée par Laurioux (1983) qui rapporte que, d’une façon générale, les épices sont des substances aromatiques d’origine orientale, donc des produits de grand commerce international ; elles servent dans la cuisine mais sont utilisées également dans la médecine, la parfumerie (Laurioux, 1983). Pour esquisser l’histoire culturelle des épices en Méditerranée et relever quelques aspects de la dynamique inhérente à cette histoire, il faut tout d’abord souligner que le cheminement vers la découverte des épices se confond avec les voies par lesquelles transitent des hommes, des marchandises, des informa- tions, des cultures. En effet, les épices ont donné leur nom à des routes et leurs secrets consistent en des histoires de voyages, avec les aspects sociaux et écono- miques qui s’y attachent. Pour les habitants de la Méditerranée, les épices évo- quaient des lieux où tout est différent, plus chaud, plus parfumé, plus sensuel, plus luxueux. Les progrès de la connaissance, de la géographie, de la navigation, bref la découverte du monde, leur doit davantage encore ; secret d’un savoir et secret d’une origine se mêlent. Si la période de l’Empire romain fut marquée par le développement du commerce international et, bien entendu, l’introduction des premières épices, il est important de signaler que la dimension maghrébine, à la fois méditerranéenne et arabo-islamique, est fort présente dans l’histoire des épices en Méditerranée. La route maghrébine était celle qui permettait de naviguer librement vers le pays des épices : c’est une route commerciale. Et c’est donc aussi pour des motifs mercan- tiles que ses utilisateurs tendaient à passer par le littoral maghrébin et à y prendre appui, tant à l’aller qu’au retour. À l’aller, parce que Tunis était le grand mar- ché du Dâr al-Islâm occidental, où aboutissait le trafic des Arabes du Machrek ; c’était une place où ils pouvaient effectuer de fructueuses opérations commerciales annexes du négoce qu’ils allaient entreprendre en Orient (Dufourcq, 1978). Tous les ports de la moitié orientale du Maghreb étaient eux aussi des lieux où l’on se ravitaillait en productions caractéristiques du Maghreb, et où l’on débarquait les articles fabriqués dans l’Occident chrétien, même si le parcours qu’ils jalonnaient était déjà en une certaine mesure un tronçon de la route « des îles et des épices ». Du fait de sa position stratégique qui lui permettait de contrôler les commu- nications entre le monde méditerranéen et l’océan Indien, l’Égypte jouait tra- ditionnellement le rôle de centre de redistribution des produits orientaux. Ces derniers, sous l’appellation de drogues et d’épices, étaient consommés dans les pays situés autour de la Méditerranée, et en particulier en Europe occidentale. L’Égypte avait joué ce rôle de centre de transit avec un éclat tout particulier,

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