Empires coloniaux | Rappas, Alexis

Empires coloniaux 473 (métropolitains et colons) d’une part, et ceux des « sujets coloniaux », différem- ment incorporés et administrés, d’autre part. C’est parce qu’il présentait ces par- ticularités que l’on a pu voir dans le Stato da Màr de la République de Venise (992‑1797) le premier empire colonial européen. Se démarquant des traditionnelles perspectives étroitement nationales et léga- listes, deux historiographies, soulignant chaque fois des phénomènes de trans­ impérialité, encadrent l’étude des « empires coloniaux ». L’histoire coloniale – Colonial studies –, d’une part, place les populations colonisées au cœur de l’ana- lyse et étudie l’impact de la « situation coloniale » sur ces dernières sur le plan social, économique, politique et culturel, tant sur le court terme que sur le long terme. La « nouvelle histoire impériale », d’autre part, met l’accent sur la multi­ directionnalité de l’articulation entre « métropole » et « colonie » et éclaire de façon heuristique les connexions entre constitution des empires coloniaux d’une part, et affirmation des identités nationales et élargissement des droits politiques en Europe d’autre part. Cependant, au-delà de ces quelques grandes caractéris- tiques communes, toute définition des empires coloniaux se doit d’être histori- quement située. Il importe donc de poser quelques jalons historiques des empires coloniaux européens avant de se tourner vers les pistes et thèmes au cœur de la recherche actuelle. Historique Dès le xviii e siècle, la Méditerranée suscite des rivalités impériales entre puis- sances européennes. Il s’agit dans un premier temps de velléités de domination politique informelle sans occupation effective. Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du xix e siècle que les puissances européennes s’engagent dans la colo- nisation des rives sud et est de la Méditerranée. Le renouveau des ambitions impériales européennes en Méditerranée est à situer dans un triple contexte. La perte progressive de leurs possessions outre-Atlantique (1713‑1830) oblige les grandes puissances européennes – l’Espagne, la France, le Portugal et la Grande- Bretagne – à repenser les orientations de leurs prétentions impériales. En par- ticulier, l’indépendance des treize colonies nord-américaines en 1783 (traité de Paris) amène un basculement des intérêts géopolitiques de la Grande-Bretagne vers l’Inde : l’importance de la Méditerranée dans la « route des Indes » s’accroît et Gibraltar, que l’Angleterre avait acquise dès 1713 (traité d’Utrecht), devient le point de départ d’une nouvelle expansion dans la Mer du milieu. Deuxièmement, l’Empire ottoman, qui exerce – du moins nominalement – sa suzeraineté sur l’en- semble de la Méditerranée orientale et sur toute l’Afrique du Nord (à l’exception du royaume du Maroc), est durablement affaibli par ses guerres récurrentes contre

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