Diaspora | Anteby-Yemini, Lisa

Diaspora 377 Les diasporas « classiques » Les Juifs, éparpillés pour une grande partie en Méditerranée, représentent le paradigme de la diaspora, avec l’histoire de la dispersion la plus longue – plus de 2 500 ans – et une résistance à l’assimilation à travers les siècles. Leur pre- mière dispersion hors de leur terre d’origine date de la destruction du Premier Temple par Nabuchodonosor en 587 av. J.‑C., qui entraîne leur exil à Babylone et en Égypte ; seule une minorité demeure en Palestine. Une deuxième dis- persion vers l’Arabie et l’Europe suit la destruction du Second Temple par Titus en 70 ; les Juifs commencent alors à fonder des communautés sur le pourtour méditerranéen, qui trouvent leur apogée pendant l’âge d’or d’al-Andalus où échanges intellectuels et spirituels avec les musulmans fleurissent. Cependant, les persécutions dans l’Europe du Moyen Âge contraignent plusieurs communautés à se réfugier en Provence, puis les expulsions d’Espagne en 1492 et du Portugal en 1496 entraînent des migrations vers la Méditerranée orientale, le Maghreb, l’Europe du Nord et jusqu’aux Amériques. Des pogroms en Europe de l’Est au xix e siècle puis la montée du nazisme en Europe de l’Ouest forcent de nouveau des communautés à migrer, souvent pour l’Amérique du Nord et la Palestine. La Shoah met fin à la plus importante concentration de Juifs en Europe. Si le statut de dhimmi des Juifs en terre d’Islam ne leur confère pas les mêmes droits que les musulmans, ils parviennent cependant à y développer des communautés prospères, contraintes de partir après la création de l’État d’Israël et la décoloni- sation. Il s’agit donc d’une histoire de migrations en chaîne, le plus souvent dans l’aire méditerranéenne, ponctuées par des expulsions, des persécutions et le géno- cide du xx e siècle, mais aussi par des circulations et des échanges entre les divers centres de la diaspora juive ainsi qu’entre ces pôles et la terre d’Israël. À ce titre, la Méditerranée, en particulier, fut investie par les diasporas séfarades qui y circu- laient de façon intensive entre les « capitales » cosmopolites de Marseille, Istanbul, Salonique, Livourne, Tunis ou Alexandrie. Aujourd’hui, on évoque également la diaspora « marrane » avec la redécouverte par certains Espagnols, Portugais ou Sud-Américains de leur judéité, restée parfois cachée depuis l’Inquisition, et qui les relie, de façon inattendue, à la diaspora juive globale. Les Grecs sont souvent cités comme autre paradigme de la diaspora. Peuple méditerranéen de pêcheurs, de marins, de militaires et de commerçants, ils fondent, dès l’Antiquité, des colonies hors de leur terre d’origine sur le pourtour de la Méditerranée, formant des réseaux importants entre ces différentes cités grecques. Durant les siècles suivants, des migrations grecques se multiplient vers la Méditerranée orientale, où les élites commerçantes tissent des liens économiques et culturels entre les communautés installées dans les ports méditerranéens comme

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