Diaspora | Anteby-Yemini, Lisa

Diaspora 378 Alexandrie, Tunis ou Marseille. Des minorités grecques s’établissent aussi en Europe, dans les Balkans et dans les territoires russophones (au xviii e siècle), mais des déplacements forcés et des retours vers la Grèce s’ensuivent également, au gré des conflits dans les Empires ottoman puis russe, qui culminent avec l’épu- ration ethnique des Grecs pontiques (1916‑1922). C’est également au début du xx e siècle que commence l’exode massif de Grèce vers l’Amérique et le Canada (et plus tard l’Australie). Avec la chute du communisme, c’est le réveil de revendi- cations d’identité grecque ethnique parmi certains Albanais ou Grecs d’ex-urss qui migrent, pour des raisons économiques ou à cause de persécutions, vers la Grèce. La diaspora grecque s’est donc constituée lors des départs pour des motifs colonisateurs, économiques et politiques, mais a aussi connu des retours forcés ou volontaires. Les réseaux entre ces diasporas et avec la Grèce ont donné lieu à divers échanges économiques (envoi de remises au pays), politiques (poids des diasporas dans la politique grecque), culturels et linguistiques, qui maintiennent une forte identité grecque dans les pays de dispersion. Les Arméniens représentent une autre diaspora « classique » en raison d’une dispersion ancienne et du maintien d’une identité collective distincte. Lors des premières déportations d’Arméniens de leur territoire, qui remontent au v e siècle, des communautés s’installent, elles aussi, en Méditerranée et en Orient prin- cipalement. Négociants, banquiers, traducteurs, ils établissent des comptoirs commerciaux et tissent des réseaux d’échanges entre communautés dispersées. L’Église apostolique arménienne joue un rôle central dans le maintien de ces liens, et des clercs circulent entre les différents centres spirituels. Mais des persécu- tions touchent les minorités arméniennes de l’Empire ottoman au xix e siècle. Le génocide de 1 200 000 Arméniens par le gouvernement turc, en 1915, entraîne un exode massif des rescapés vers les grandes villes méditerranéennes (Damas, Beyrouth, Jérusalem, Marseille) où étaient parfois déjà ancrées des communau- tés plus anciennes. D’autres migrent vers l’Iran ou l’Amérique. Après 1945, cer- tains Arméniens de la diaspora décident de retourner en Arménie, mais y sont amèrement déçus. Avec la chute du bloc communiste, l’Arménie acquiert son indépendance en 1991. Si la création de l’État entraîne peu de retours, la dias- pora arménienne fait preuve de solidarité exemplaire ; elle se mobilise finan- cièrement et matériellement et tente d’user de son influence politique dans les pays d’accueil. Tout en conservant un lien fort avec leur identité et leur terre d’origine – par le biais de structures communautaires et de l’Église arménienne, réactivées aussi par la mémoire du génocide –, les Arméniens ont su s’intégrer dans les pays d’exil. Ces trois diasporas « classiques » présentent une dispersion de longue durée, constituée de migrations forcées ou volontaires, d’expulsions et de persécu- tions ayant pu aller jusqu’au génocide ; mais elles ont aussi modelé l’espace

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