Désert | Côte, Marc

Désert 357 Le désert qui souffle le chaud et le froid Les populations méditerranéennes savent bien que, proche ou éloigné, le désert physique imprime sa marque sur leur territoire et leur vie. Quand les vents viennent du sud (chehili, khamsin), ils apportent des bourrasques de chaleur lourde, transportent des masses de poussières sableuses qui déposent leurs traces rougeâtres sur les automobiles des Marseillais ou des Milanais. Fondamentalement, le désert est le domaine de l’aridité (en première approxi- mation, on parle de désert proprement dit lorsque la pluviométrie annuelle est inférieure à 150 mm, ou lorsque le nombre de jours biologiquement secs est supé- rieur à 300 par an). Il est aussi le domaine des contrastes thermiques, les tempé- ratures peuvent monter jusqu’à 45, voire 50 dans les journées d’été ; l’étranger au désert se laisse toujours surprendre par les froids glaciaux des nuits hivernales. Tous les phénomènes mordent largement le territoire méditerranéen. Le balan- cement des masses atmosphériques entre hiver et été fait que la Méditerranée émarge pendant la saison d’hiver au domaine tempéré humide, parcouru par les perturbations atlantiques : pendant l’été, les anticyclones saharien et ara- bique remontent vers le nord, et annexent, de ce fait, toute la Méditerranée sud. Celle-ci est donc tempérée six mois, aride et chaude pendant les six autres mois. Les habitants de la Méditerranée ne peuvent ignorer ainsi la proximité des déserts, et toutes leurs implications. Le désert, ses flux et reflux Ce balancement saisonnier se double d’oscillations sur des périodes plus longues et sur des distances plus grandes. Il s’agit notamment des grandes oscillations clima- tiques, qui ont marqué toute la zone méditerranéenne au Quaternaire (Rognon, 1994) et laissé des traces multiples (réseaux hydrographiques fossiles, peintures rupestres, vestiges de cités anciennes). L’optimum climatique (x e ‑xiii e siècles) et le petit âge glaciaire (xv e -xviii e siècles), plus près de nous, se sont traduits par d’autres oscillations, cependant moindres. Les xix e et xx e siècles ont entraîné un autre mouvement de flux et reflux. Sur tous les confins subarides (correspondant à la végétation steppique), les chan- gements géopolitiques et techniques ont suscité la mise en valeur des terrains de parcours, par extension des cultures céréalières (orge). Celle-là a conduit à de larges défrichements aux dépens des parcours, de nettes avancées des sédentaires (ou sédentarisés) aux dépens des nomades. Durant la décennie 1930‑1940, la Syrie a ainsi emblavé un million d’hectares aux dépens de ses parcours ; durant

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