Désert | Côte, Marc

Désert 358 la période 1970‑1990, l’Algérie en a fait de même sur une superficie identique aux dépens de ses hautes plaines. Mais le retour d’années sèches successives a mis en exergue le caractère aven- turé de ces « mises en valeur ». Contraction des terres pastorales, surcharge du bétail, dénudation des sols, mise en mouvement du sable sous forme de petites dunes. C’est ce que l’on a appelé le phénomène de « désertification », très général depuis le Sud marocain jusqu’au Proche-Orient, et qui se traduit par un mou- vement inverse de celui des décennies précédentes : l’avancée des milieux arides en direction de la Méditerranée. À défaut de pouvoir contrôler le climat, les États ont toujours essayé de contrô- ler ces initiatives humaines, et de fixer une limite entre désert et culture, entre nomades et sédentaires. Déjà les Romains avaient établi dans le Sud maghrébin un axe fortifié, le limes – même si les études récentes ont montré que ces aména- gements avaient une finalité autant économique que défensive. Au xx e siècle, le pouvoir syrien a défini l’isohyète 200 mm comme limite entre les deux mondes sédentaire et nomade, afin de préserver les parcours des seconds (Sanlaville, 2000) ; mais cette limite, bien souvent, n’est pas respectée. « … une vie fusant du désert » (Berque) Ce monde vide d’hommes (relativement), et longtemps pauvre, a cependant joué un rôle fondamental en Méditerranée, car complémentaire. Les déserts se sont révélés être des foyers de vie, de culture, d’esprit. C’est dans ce cadre que sont nées les grandes civilisations de Mésopotamie et d’Égypte ; c’est là qu’ont surgi les grandes religions monothéistes. « Le monothéisme sort du sable », dit Michel Onfray. Le christianisme, né au Proche-Orient, a pro- gressivement gagné tous les rivages de la Méditerranée, jusqu’à refaire l’unité du monde romain. L’islam, originaire de la péninsule Arabique, a en un siècle gagné l’aile ouest jusqu’aux rivages marocains, l’aile nord jusqu’à la Turquie et aux Balkans. Dans la foulée, la langue arabe et la culture musulmane ont recou- vert la moitié du bassin méditerranéen. Le modèle « bédouin », défini par un fort nomadisme pastoral, des échanges commerciaux actifs et une vie citadine spécifique, a marqué ces territoires. Ces flux culturels sont allés de pair avec des flux de population à travers ce monde mouvant : « Libyens » venus du désert libyque sous le coup de l’aridi- fication, et peuplant la vallée nilotique ; populations de la péninsule Arabique gagnant les collines et bassins du Proche-Orient, et y créant des entités poli- tiques ; Arabes (et Berbères) progressant d’est en ouest jusqu’à s’établir au Maroc ou en Espagne.

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