Cités barbaresques | Lafi, Nora

Cités barbaresques 250 impériale, de la province à la dynastie locale selon les lieux et les époques. Toute une série de publications s’intéressant à l’histoire, au lendemain de la conquête coloniale française de l’Algérie, reprend le terme (baron de Vinchon, 1839) qui, enfin, passe dans le vocabulaire savant du xx e siècle à partir de la thèse de Paul Masson (1903). L’usage du terme « barbaresque » est illustré de nouveau dans les années 1960 par un « Que sais-je ? » réalisé par J. Monlaü (1964). Le terme connaît une nouvelle prospérité au moment de l’élan des études médi­ terranéennes dans les années 1950 (Mathiex, 1958). Partant de la vision braudélienne d’une Méditerranée lue dans l’interaction de blocs civilisationnels plus que dans la complexité des sociétés locales et de leur rap- port aux ensembles intégrateurs, surtout pour ce qui concerne la rive sud (sur cette vision braudélienne, voir Piterberg, Ruiz et Simcox, 2010 ; Gemelli, 1995), l’histo­ riographie a essentiellement abordé l’étude des « cités barbaresques » sous l’angle de l’économie de course, c’est-à-dire d’abord par la manière avec laquelle elles intera- gissaient avec l’Europe chrétienne plutôt que par un intérêt direct pour ces villes elles-mêmes. La vision caricaturale de la course et de la captivité, qui a longtemps prévalu, a été au cours des deux dernières décennies largement relativisée et sou- mise à un processus de réinterprétation. On a ainsi pu montrer combien la course était une activité économique codifiée, soumise, par-delà la violence de la pratique, à une véritable diplomatie méditerranéenne, faite d’accords, de compensations et de réparations (Bono, 1993). La distinction entre course et piraterie et entre cap- tivité et esclavage a aussi été l’objet d’importantes discussions. Surtout, c’est l’in- terprétation même de la nature des contacts entre Européens et « Barbaresques » qui a été revue. La pratique des rachats de captifs, héritée des usages médiévaux de la guerre et souvent transformée en activité commerciale a, elle aussi, été relue sous un jour nouveau. Wolfgang Kaiser a pu montrer, à partir des sources euro- péennes, combien les processus mis en place étaient rodés (Kaiser, 2007 ; Abidi, 2009). Le cas de Malte, île pivot entre Europe chrétienne et cités barbaresques, a également été soumis à une lecture nouvelle, s’intéressant davantage à l’économie portuaire (Brogini, 2006). Pour ce qui concerne la rive sud, à partir de l’exemple de Tunis, Sadok Boubaker (1987, 2008) a illustré l’intégration des négociations dans un système de construction de la confiance sur le modèle marchand. D’une manière générale, le rapport entre rives nord et sud fait aujourd’hui l’objet de révisions historiographiques notables. La fin de la course, et donc le passage à un nouveau type d’organisation du système méditerranéen, au moment de l’inter- vention militaire américaine contre Tripoli (1801‑1805) et contre Alger (1815), puis de la colonisation française en Algérie, a aussi été l’objet d’études critiques (Panzac, 1999). C’est désormais tout le panorama d’interprétation qui a été revu. Le processus avait commencé, dès les années 1950, avec la dénonciation par Geoffrey Fisher (1957) de la persistance de ce qu’il nommait la « légende

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