Cinéma | Gaertner, Julien

Cinéma 242 des deux guerres mondiales, celle des conflits du Proche-Orient autant que les révoltes dites du « printemps arabe ». Un cinéma méditerranéen comme un témoin des tourments d’une Histoire que Youssef Chahine et Roberto Rossellini porteront à l’écran, mais aussi un cinéma politique dépeint par Costa-Gavras et Nanni Moretti, ou encore un cinéma d’auteurs avec le Grec Theo Angelopoulos, l’Italien Pier Paolo Pasolini, le Palestinien Elia Suleiman et plus récemment le Français Jacques Audiard. Autant d’artistes majeurs dont la pellicule fut traver- sée par l’intense lumière méditerranéenne. « Le ciel est presque blanc à force d’être bleu », entend-on alors qu’Alain Delon et Romy Schneider se prélassent au bord d’une Piscine (Deray, 1968) à Saint-Tropez. Une réplique qui illustre la façon dont le soleil et le Grand Bleu (Besson, 1988) méditerranéens marquent l’histoire d’un cinéma qui, en retour, contribue à faire de cette aire géographique un espace de création singulier, d’influences réciproques, d’interférences et de coproductions entre ses différentes rives et au-delà. Au début du xx e siècle, l’industrie du septième art se développe en trois pôles distincts autour du bassin méditerranéen. Une structuration rapide en Italie, en France puis en Égypte, qui assure à ces pays une domination culturelle régio- nale. Dans la péninsule Italienne, des maisons de production voient le jour dès 1903, pariant sur le succès commercial de ce qui est rapidement devenu un divertissement populaire au détriment de sa fonction première d’enregis- trement du réel. Les films historiques s’imposent alors sur les premiers écrans, comme le spectaculaire Derniers Jours de Pompéi (Caserini, 1908), ou la fresque Cabiria (Pastrone, 1914). Autant d’œuvres qui évoquent un glorieux passé et donnent ses lettres de noblesse au long métrage, installant ce format dans les salles obscures. Au début des années 1930, l’Italie s’affirme un peu plus comme le centre de la cinématographie mondiale avec la création du premier festi- val de cinéma à Venise. Fondé en 1932, il sera concurrencé par un autre fes- tival méditerranéen, celui de Cannes, qui prend ses quartiers sur l’avenue de la Croisette en 1946 après qu’une première édition fut annulée à la veille de la guerre en 1939. En France, c’est en 1919 que les premières superproductions arrivent sur grand écran. Abel Gance, assisté de l’écrivain Blaise Cendrars, tourne le mani- feste pacifiste J’accuse au sortir du premier conflit mondial. Mais le regard des spectateurs quitte bientôt l’enfer des tranchées pour rêver d’espaces vierges et se tourner vers le Maghreb où le cinéaste Camille de Morlhon officie déjà, avec quelques bobines aux titres suggestifs : En allant voir les mouquères ou La Fiancée du spahi (1912). Ce genre, baptisé a posteriori cinéma colonial, prend une tout autre dimension sous l’impulsion de Jacques Feyder et de son film L’Atlantide (1921), superproduction qui transpose le mythe platonicien du conti- nent enfoui dans le Hoggar. De la Grèce antique au désert algérien, l’espace

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