Camus, Albert | Fabre, Thierry

Camus, Albert 198 arrêt. » Lumière et joie, cet extrait du Premier Homme , dernier livre, posthume, d’Albert Camus est éloquent. Il exprime combien ce paysage sensible construit le regard de l’écrivain, le charge de quantum d’énergie créatrice, d’une puissance solaire vers laquelle il retournera sans cesse, pour dépasser les vides et les creux, et surmonter la Chute … La Méditerranée est là, dans la vie d’Albert Camus. Promesse d’enfance et territoire d’initiation, où la connaissance transmise par ses maîtres va peu à peu prendre place. Son regard va alors se transformer. Présence de la Méditerranée qui, de simple évidence faite de sel, de sable et de lumière, devient un lieu de pensée puis d’écriture. Grâce à M. Germain, son instituteur, Camus a pu poursuivre ses études et sortir de son monde fait de silence et de pauvreté. Sa curiosité l’ouvre vers un infini de connaissance où la littérature et la philosophie deviennent prépondé- rantes. Le grand initiateur fut Jean Grenier, son professeur de philosophie au lycée puis en hypokhâgne. Lié à la nrf , Jean Grenier n’était pas un simple pro- fesseur, il fut un modèle et un véritable inspirateur. Son livre Les Îles , paru en 1933, a joué un rôle de déclencheur dans l’écriture de Camus et dans sa rela- tion à la Méditerranée. Dans une préface qu’il donne, en 1959, au moment de la réédition de ce livre, Camus écrit : « J’avais vingt ans lorsque, à Alger, je lus ce livre pour la première fois. L’ébranlement que j’en reçus, l’influence qu’il exerça sur moi, et sur beaucoup de mes amis, je ne peux mieux le comparer qu’au choc provoqué sur toute une génération par Les Nourritures terrestres.  » Et il ajoute : « À l’époque où je découvris Les Îles , je voulais écrire, je crois. Mais je n’ai vrai- ment décidé de le faire qu’après cette lecture. » Camus découvre dans l’œuvre de Jean Grenier l’art, la culture et une tout autre vision de la Méditerranée. Celle-ci prend ainsi, dans son regard, une autre consistance, se charge de sens, de tragique et d’héritages, notamment philoso- phiques. Le monde grec devient alors une référence centrale dans le paysage mental de Camus. Une autre grande figure apparaît, qui l’accompagnera toute sa vie, une figure qui lui parle et lui révèle des éclats de pensée… « Il faut avoir en soi beaucoup de chaos pour accoucher d’une étoile qui danse. » Une figure qui lui apprend à vivre et à découvrir ce que pourrait être un Gai Savoir. Le portrait de Nietzsche trône sur le bureau de Camus. Plus qu’un maître, c’est un ami et un allié, une source vive dans laquelle il ne va pas cesser de puiser. Si Camus a esquissé, avec La Pensée de midi , une sorte de philosophie de la Méditerranée, elle lui vient d’abord de sa lecture attentive et passionnée des textes de Nietzsche. « Je dois à Nietzsche une partie de ce que je suis », écrit-il en 1954. Lorsqu’il évoque dans son recueil, L’Été , la floraison des amandiers, signe de la beauté du monde et de ses possibles fruits face au règne de l’amer et du nihilisme

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