Camus, Albert | Fabre, Thierry

Camus, Albert 197 Camus, Albert (1913‑1960) « La Méditerranée a son tragique solaire qui n’est pas celui des brumes »…Cette ouverture de L’Exil d’Hélène , texte dédié à René Char, publié pour la première fois dans la revue Les Cahiers du Sud dans son numéro spécial Permanence de la Grèce , donne en quelques mots le sens intime et profond de la relation entre Camus et la Méditerranée. Il s’agit, en premier lieu, de la rencontre d’un corps et d’un paysage sensible. Camus, enfant d’Alger, du quartier modeste de Belcourt, est de la ville et de la mer. Il vit ses premières années dans une ville coloniale dont le paysage urbain a été façonné par les Français, en terre d’Afrique, qui s’y sont installés durable- ment. Premier syncrétisme entre les strates arabe, ottomane et plus profondé- ment antique, d’une ville et d’un monde qu’il a sous les yeux dès ses premiers pas. Une ville ouverte sur la mer, par la conquête de 1830, une ville où l’on se baigne. La mer est le territoire de l’ouvert, là où le regard s’élargit et où l’ima- gination vagabonde. La mer est le territoire du corps, du plaisir et du jeu, de la jouissance même ! Nage et plongeon, parties de football et moments de drague, de joie et de légèreté. La mer ne fait plus peur, depuis le xix e siècle, elle a été apprivoisée et le bain, d’abord aristocratique et associé à la villégiature, est devenu une pratique populaire. Camus est un enfant de la ville et de la mer, indissociablement. Le bain est un rituel précoce pour lui, une évidence et une extase dans laquelle le corps s’ac- complit. Il y a ainsi, entre Camus et la mer, un lien premier, un lien avec cette seule mer qui compte vraiment pour lui, la mer de son enfance, la Méditerranée. Ce lien intime, sensible, fait de désir et de plaisir laisse une empreinte profonde dans l’imaginaire de Camus. « La source est là », entre le sel, la peau et les vagues. Et le regard aussi. Contraste entre l’éclat de la lumière sur l’étendue de la mer et l’appartement sombre de sa grand-mère où il vit avec sa mère, à Belcourt. « La mer était douce, tiède, le soleil maintenant sur les têtes mouillées, et la gloire de la lumière emplissait ces jeunes corps d’une joie qui les faisait crier sans

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