Braudel, Fernand | Crivello, Maryline

Braudel, Fernand 186 très largement réécrite en 1966, une allusion à l’indépendance de l’Algérie surgit incidemment et s’apparente à un retour à ses structures puniques. « L’Afrique du Nord n’a pas “trahi” l’Occident en mars 1962, mais dès le milieu du viii e siècle, peut-être même avant la naissance du Christ, dès l’installation de Carthage, fille de l’Orient. » (Braudel, 1990, II, p. 96.) Par ailleurs, il s’expliquera en 1972 sur sa fascination pour cette « Algérie française » : « Il faut le dire, en 1923, en 1926, et durant les années qui suivent, l’Algérie française ne se présente pas à mes yeux comme un monstre. » (Braudel, 1990, p. 17.) Parallèlement à ses activités d’en- seignant, Fernand Braudel travaille dans les archives espagnoles et italiennes où se trouve l’essentiel de la documentation relative à son sujet, à l’Archivo histórico nacional de Madrid et à l’Archivo general de Simancas où il fait un premier séjour en 1927. Il puise ainsi dans les papiers inquisitoriaux sa large connaissance des musulmans de la péninsule, des morisques, ou plus exactement suivant l’expression courante de l’époque, des nuevos cristianos . Il publiera d’ailleurs dans les Annales. Économie, sociétés, civilisations (2, 4, oct-déc. 1947, p. 397‑410) un article fourni sur « Conflits et refus de civilisations. Espagnols et morisques au xvi e siècle » . Il est nommé professeur à Paris en 1932, puis à São Paulo en 1935‑1936, avant d’être élu, en 1937, à l’École pratique des hautes études. De son séjour au Brésil, à partir de ce pays partagé par le traité de Tordesillas, il apprend à voir de loin, en position d’extériorité, sous un autre angle, son espace d’élection. Mobilisé en 1938, il est fait prisonnier à Mayence et s’engage, pendant cette période de captivité, dans la rédaction de sa thèse et dans une correspondance assidue avec Lucien Febvre. Les cinq années durant lesquelles il fut prisonnier de guerre contri- buèrent à leur tour à une mise à distance de son objet d’étude. Éloigné cette fois-ci de ses ouvrages et de ses archives, Fernand Braudel, pour reprendre les termes de Paul Ricœur, a rêvé la Méditerranée, au point d’en faire l’héroïne de son ouvrage. C’est en 1946 qu’il succède à son maître à la direction des Annales et en 1949 qu’il entre au Collège de France. En 1969, il publie des Écrits sur l’histoire , un recueil d’articles à caractère méthodologique. De 1967 à 1979, il rédige un autre ouvrage essentiel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme du xv e au xviii e siècle . En 1986, paraît, à titre posthume, L’Identité de la France . La Méditerranée de Fernand Braudel révèle des constantes qui appartiennent désormais à un héritage bien connu des chercheurs en sciences humaines et sociales : des temporalités historiques établies sur une démarche géographique vidalienne, une attention au comparatisme et une sensibilité au rythme des déplacements des hommes. Il ne fait aucun doute que c’est à l’espace que revient la primauté de l’intérêt de Fernand Braudel. La Méditerranée analyse d’abord « la part du milieu » et met en perspective une « géohistoire » qui relativise la place des individus – et d’un souverain tel que Philippe II. L’usage que fait Fernand Braudel de la géographie comme conservatoire du temps long des sociétés lui

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