Anthropologie | Bromberger, Christian

Anthropologie 92 (1937) sur une petite cité caravanière de Syrie…Des travaux plus synthétiques sur le monde méditerranéen avaient aussi été publiés, mais ils étaient les œuvres d’anthropo-géographes ou d’ethno-historiens, plus préoccupés par l’ancrage matériel des sociétés que par leur structure ou leurs valeurs ; c’est le cas du livre important de Charles Parain qui, dans La Méditerranée, les hommes et les tra- vaux (1936), campe une Méditerranée des infrastructures, celle qui prévaudra jusques et y compris dans les 320 premières pages de la thèse de Fernand Braudel (1949), celle des « ressources naturelles, des champs et des villages, de la variété des régimes de propriété, de la vie maritime, de la vie pastorale et de la vie agri- cole, des métiers et des techniques ». À rebours de cette conception matérielle de la Méditerranée, des auteurs, tel Jean Servier (1962), se risquaient à une sorte d’archéologie des valeurs, entendant retrouver, dans des coutumes encore attestées, « les héritages encore scellés de Rome, d’Athènes et de Mycènes ». À côté de ces tentatives plus ou moins convaincantes, signalons le point de vue très suggestif d’André-Georges Haudricourt dans un article célèbre, également publié en 1962 ; celui-ci oppose deux types de civilisation, symbolisés l’une par la culture méla- nésienne de l’igname ou par le jardin chinois, symboles d’un traitement délicat et horticole de l’homme, l’autre par la bergerie méditerranéenne, type d’élevage qui suppose une action directe positive sur l’animal, des relations de domination et d’ordre, avec ses houlettes et ses chiens, qui, de proche en proche, rejaillit sur les relations sociales et politiques et les configurations symboliques. Un ouvrage synthétique se rapproche cependant, par les thèmes abordés, de ceux publiés par les universitaires de formation britannique, « inventeurs » de la Méditerranée ethnologique. C’est celui de Germaine Tillion, Le Harem et les Cousins (1966). L’auteure y met en évidence, sur une base comparative, la spécificité des struc- tures matrimoniales dans le monde méditerranéen, qui fonctionnent selon un schéma inverse des « structures élémentaires » dégagées par Claude Lévi-Strauss. Dans les sociétés musulmanes mais aussi antiques et, à titre de vestiges, dans les mondes de la Chrétienté latine et orthodoxe du pourtour méditerranéen, s’af- fiche une prédilection pour « vivre entre soi », pour « garder toutes les filles de la famille pour les garçons de la famille », pour « le mariage avec un parent très proche appartenant à votre lignée » (si possible, dans le monde arabe, la cou- sine parallèle patrilatérale). Ce repliement du champ de l’alliance se traduit par une vision endogamique du monde, toujours sur la défensive, qui s’accompagne d’« un certain idéal de brutalité virile dont le complément est une dramatisa- tion de la vertu féminine ». Après la période faste des années 1970, couronnée par un ouvrage de syn- thèse récapitulant les acquis, des acquis suffisamment abondants pour nourrir une bibliographie de 18 pages (Davis, 1977), vint le temps des remises en cause. Plusieurs anthropologues (Michael Herzfeld, Joseph Llobera, João de Pina

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