Ancre | Pomey, Patrice

Ancre 81 à Eupalamos de Sycione. Les premières ancres à jas possédaient un jas en pierre muni d’une gorge centrale pour sa fixation. Certains d’entre eux pouvaient atteindre 2,50 m d’envergure. Comme pour les ancres primitives, beaucoup de ces jas en pierre, dont certains portaient des inscriptions dédicatoires, ont été retrouvés dans des sanctuaires. Leur usage semble prévaloir entre la fin du vii e siècle et le iv e siècle av. J.‑C. Un second pas technique est alors franchi avec l’apparition des ancres à jas en plomb, qui traduit non seulement une évolution technique liée aux avantages du métal mais aussi une évolution économique en matière d’approvisionnement. Ces ancres étaient le plus souvent à jas fixe, mais il existait aussi des modèles à jas mobile. Les bras, qui supportaient l’essentiel des efforts, étaient soigneusement fixés à la base de la verge par des assemblages à clefs chevillées. Un collier de plomb pouvait enserrer l’ensemble pour le ren- forcer. Apparues au cours du iv e siècle av. J.‑C., les ancres à jas de plomb ont été largement diffusées entre le ii e siècle avant et le ii e siècle après J.‑C. Ces jas pouvaient atteindre des dimensions et des poids considérables : jusqu’à 2 tonnes pour un jas de 4,20 m d’envergure. Assez souvent, ces jas d’ancre portent des élé- ments décoratifs et des inscriptions en relief. Ces décors ont souvent une valeur symbolique afin de porter fortune et de conjurer le mauvais sort, ou évoquent simplement le milieu marin : astragales, dauphin, caducée ou même tête de Gorgone. Quant aux inscriptions, elles se réfèrent parfois au poids du jas, le plus souvent au nom du navire (Zeus, Aphrodite, Héra, Isis) , ou invoquent la protec- tion d’une divinité (Zeus sauveur). D’autres comportent un nom de personne, propriétaire ou armateur du navire. C’est sensiblement à la même époque qu’apparaissent les ancres entièrement en fer dont l’usage prédomine sous l’Empire romain pour s’imposer totalement à la fin de l’Antiquité. La plupart d’entre elles sont dotées d’un jas amovible et les extrémités de la verge sont munies d’organeaux pour en faciliter la manipu- lation. Leur type correspond à celui de l’ancre dite « d’amirauté », réinventée par les Anglais en 1851 ! Plus légères, ces ancres en fer ont un poids qui varie généralement de 50 à 200 kg, mais la plus grande d’entre elles, haute de près de 4 m, dépasse les 400 kg. En raison de leur fragilité relative dont témoignent les nombreuses ancres perdues en mer, les navires en emportaient plusieurs. L’épave de Mahdia (i er siècle av. J.‑C.) a livré 5 jas d’ancre en plomb dont 2 de plus de 600 kg, le grand navire avec lequel saint Paul fit naufrage à Malte ( Ac ., XXVII, 29‑40) por- tait 4 ancres à la poupe et plusieurs (au moins 2) à la proue, enfin l’épave byzan- tine de Yassi Ada (vii e siècle) possédait 2 ancres en fer à la proue et 5 disposées au pied du mât. La plus importante des ancres était conservée en réserve, les textes anciens la désignent comme l’« ancre sacrée » utilisée en dernier recours. C’est l’« ancre de miséricorde » du xviii e siècle.

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