Al-Andalus | Echevarria, Ana

Al-Andalus 49 et dans la zone du détroit étaient utilisés pour le transport de troupes, d’émi- grants et de marchandises, mais nous ignorons s’ils appartenaient à l’État ou à des particuliers. Séville servait d’accès à la mer pour les petites embarcations, alors que la côte de Malaga était privilégiée pour le débarquement des troupes arabes et berbères. Tunis était le principal port de liaison avec l’Orient, et Elvira s’était spécialisée dans la fabrication de bateaux qui étaient ensuite convoyés vers Algésiras. À partir de la création de l’émirat indépendant de Cordoue (756‑929), al-Andalus manifeste sa présence en Méditerranée occidentale grâce à la guerre de course, plutôt qu’avec une marine régulière. Les expéditions des Andalous contre les côtes européennes, parfois déguisées en jihad, n’avaient pas comme seul objectif le pillage, notamment la capture d’esclaves. Elles servaient égale- ment à faire de réelles percées vers les bases navales traditionnelles des îles de la Méditerranée. Certaines de ces bases se sont transformées en véritables colo- nies occupées par les Andalous au ix e et au x e siècle, et luttaient contre l’armée byzantine en connivence non seulement avec al-Andalus, mais également avec les Aghlabides de Sicile et les Abbassides à travers Alexandrie. Grâce à leur position stratégique, les Baléares, le Fraissinet (Freinet), la Sicile des Aghlabides et la Crète représentaient des escales importantes sur la route entre l’Occident et l’Orient, et la flotte andalouse n’en était jamais très loin. Les activités de course venaient souvent en complément des activités commerciales menées en Méditerranée, et ses bases ne peuvent être réduites à la seule fonction de piraterie. On y invoquait dans la khotba (prône du vendredi) le calife d’al-Andalus ou des Abbassides et il est fort probable que ces îles lui versaient un tribut, bien qu’il n’en subsiste aucune preuve. Par exemple, la colonie musulmane du Fraissinet (ou Djabal al-Kilal) dominait depuis la Côte d’Azur jusqu’à la Provence, ainsi que les chemins mon- tagneux alpins de Pontresina (Pons Sarracenorum) entre 888‑894 et 972, allant à plusieurs reprises jusqu’à Acqui, près de Pavie. Ibn Hawqal définit ces combat- tants comme étant des mujâhidûn , rattachés au district de Majorque. La situa- tion stratégique de cette place s’ajoutait à un accès privilégié au bois nécessaire à la construction de la flotte. Les captures de richesses et d’esclaves, et les enlè- vements contre rançon, qui déclenchaient la colère des puissances chrétiennes de la région et causèrent l’arrivée de nombreuses ambassades à Cordoue, alter- naient avec sa situation de lieu de passage des marchands européens. Lorsque ‘Abd al-Rahmân III soumit les comtes de la Marche hispanique, il ordonna au gouverneur du Fraissinet, Nasr ibn Ahmad, d’autoriser le passage des marchands italiens et provençaux. Les pactes noués avec les comtes catalans permirent l’ar- rivée de marchands d’Amalfi afin de développer le commerce de luxe du cali- fat andalou avec les dynamiques cités italiennes, jusqu’à l’enlèvement de l’abbé Maïeul de Cluny (972). Cela provoqua la riposte de la noblesse provençale qui

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