Léon Chaudanson : Scènes de la vie marocaine

La fête de l'Achoura est célébrée le 10 du mois de Moharrem. C ’ est la fêle des pauvres à qui tout bon musulman doit distribuer le dixième de ses bénéfices de l ’ année. C ’ est aussi la fête des enfants cpic I on comble ce jour-là de jouets et de friandises. C ’ est également la fête des femmes qui viennent en foule au souk (marché) de l' Achoura sc ravitailler pour toute l ’ année en ingrédients magiques. C ’ est enfin une fête familiale car, dans tous les ménages, le chef de famille achète obligatoirement pour les siens du miel et un copieux assortiment defakia (fruits secs) tels que : noix, noisettes, dattes, amandes, figues, raisins sec, etc. Enfants jouant aux osselets L'achoura (vue d'ensemble de la fête) Campagnards vendant des ingrédients magiques Porteur d'eau offrant le contenu de leur outre « fi sabil allah » Campagnards grou ­ pés autour d'un char ­ meur de serpents Une fête enfantine sous la tente en faveur des troupeaux Marchands de gouels On raconte que fAchoura est la commémoration du martyre du fils d ’ Ali, assassiné à Kerbelah. Cette journée de deuil musulman est consacrée pour le jeûne, et la distribution des friandises aux enfants était faite, à l ’ origine, afin d ’ obtenir d ’ eux une journée de calme. Depuis, l ’ achoura est devenue, en tant que fête, l ’ équivalent de notre Nouvel An. Marchandes et marchands de remèdes, de fards ou d ’ ingrédients mirifiques, bateleurs, charmeurs de serpents, marchands de jouets et de friandises, porteurs d ’ eau, etc. sc donnent rendez-vous au souk de ghda (le lendemain) et y font des affaires d ’ or. Installés en plein air ou sous de petites tentes, ils offrent leurs marchandises à une foule bruyante et prodigue. T .es enfants y achètent desjouets modernes: harmonicas, tambours, trompettes, pistolets avec amorces ont la faveur des garçonnets : tambourins en poterie enluminée «gouels », petites glaces, poupées et berceaux comblent de joie les fillettes. Fards et ingrédients mirifiques préoccupent les femmes toujours à la recherche du secret qui leur attachera indéfectiblement leur époux. Quant aux hommes : après avoir acheté la provision du miel et de fakia pour célébrer l ’ achoura en famille, ils sc mettent aussitôt en quête du cadeau pour l ’ épouse et les enfants. Zaloulas et zitas (manèges et grandes roues primitifs) offrent un dangereux divertissement aux enfants dont les poches sont bien garnies. Bref l ’ achoura a pu être un jour de deuil autrefois, mais, aujourd'hui c ’ est un jour de liesse populaire. C ’ est pour l ’ achoura également que l ’ on mange la lia (grosse queue graisseuse du mouton sacrifié lors de l ’ aïd el kebir et que l'on a conservée salée) soit grillée, soit employée dans la préparation d ’ un savoureux couscous. Jeu des osselets Dès le lendemain de la grande fête, les enfants jouent dans les rues avec les petits os tirés de la jointure des gigots du mouton sacrifié pour l ’ aïd el Kebir. A un signal donné chaque joueur du groupe lance son osselet en l ’ air et l ’ ordre du jeu est déterminé par la position prise par l ’ osselet en retombant sur le sol : choq (fente en dessus), th-hor (dos), fours (coté), kaou (debout). Un osselet dans la position debout annule la partie. L ’ ordre du jeu est : 1er fours ; 2e th-hor ; 3c choq. S'il y a trois joueurs c ’ est celui dont l ’ osselet est dans la position de fours ou th-hor qui [commence à tirer]. Tl s ’ agit pour lui de bien viser et de toucher l'osselet du concurrent. \ ient-il à le manquer, c ’ est le tiré heureux qui prend sa place. Par contre, en cas de touche, l ’ enfant est payé et le joueur heureux passe à l ’ exécution du suivant. à a-t-il quatre joueurs ’ Dans ce cas, celui (pii joue le premier est celui dont l ’ osselet a la position la plus avantageuse. Il a en outre le droit de choisir un associé ; puis, chacun d ’ eux tire l ’ osselet du partenaire concurrent. Au-delà de cinq, le jeu reste individuel. Ordinairement, l ’ enjeu est peu important : un osselet, un sou. cinq sous, un franc quelquefois. Cependant, lors des fêtes de l'Achoura, à Rabat, de sensationnelles parties d'osselet mettent aux prises les jeunes bédouins des environs. Les enjeux varient alors de cinq sous à cinq francs. Aussi les parties sont-elles animées et donnent-elles naissance à des discussions passionnées et même à des batailles sérieuses car beaucoup parmi eux essaient de doubler leur chance en maquillant adroitement leurs osselets (osselets limés sur le côté ou lestés d'un clou qui les ramène invariablement dans la position avantageuses de fours. On joue aux osselets durant deux mois environ après la grande fête. Porteurs d'eau « Qui veut offrir le contenu de celle outre pour l'amour de Dieu ! » tel est le refrain débité inlassablement durant

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