Léon Chaudanson : Scènes de la vie marocaine

Le jeûne de Ramadan Pendant le mois de Ramadan Le ” tabbcl n . Dès que le zatout retentit du haut du minaret, il fait la tournée des maisons de son quartier. Il reçoit pour cela un salaire du service des Habous. En outre, il fait 4 quêtes : le 1 er jour, à mi-Ramadan ; le 27 e jour et le jour de la fêle. Le « zatout » ou « neffir ». Dès que le « moueqquit » (contrôleur de l'heure) lui donne le signal, il fait retentir sans arrêt sa trompe du haut du minaret. Lui aussi est payé par les Habous et fait 4 quêtes. Au cours de celles-ci, il est suivi par de nombreux enfants. Le joueur de raïta est également payé par le service des Habous et fait des quêtes. Il donne des concerts très goûtés pendant les nuits de Ramadan. Le fabricant de beignets s'ingénie à fabriquer des gâteaux au miel variés, surtout des chebbakias (entrelacs). Il emploie pour cela une pâte liquide qu'il fait couler dans l'huile bouillante au moyen d'un entonnoir. La 27 e nuit de Ramadan est une lilat kebira (grand nuit). Les jenouns qui sont garottés durant tout le mois de Ramadan reprennent leur liberté pour cette nuit seulement ; il s'agit donc de les amadouer pour se concilier leur neutralité. A Rabat les femmes visitent les mosquées et les sanctuaires où clics font brûler de nombreuses bougies. UAïd Esseghir (petite fête) est la célébration de la rupture du jeûne. Les minarets sont brillamcnt illumines. A Rabat cette fête est l'occasion d'une cérémonie présidée par S.M. le Sultan à l'issue de laquelle des fantasias se déroulent dans le voisinage du palais, et cela pendant trois jours. La prière et ses phases. T ai prière est une obligation essentielle du culte musulman. Il doit être fait cinq prières quotidienemment, sans compter les prières surérogatoires facultatives mais recommandées. Ce sont : le soubh ou prière de l'aube ; le thohr ou prière de l'après-midi (vers 1311) ; l'asr entre 3 et 5 heures du soir ; le moghreb peu avant le coucher du soleil, et Vacha entre le coucher du soleil et l'aube (pratiquement à la tombée de la nuit). Chaque prière comprend un nombre rituel du rakaat : 1 pour thohr, asr et acha ; 3 pour moghreb et 2 pour soubh. Le fidèle doit toujours formuler son intention d'accomplir la prière pour la valider. La prière peut très bien être faite hors de la mosquée, mais alors le fidèle doit se créer lui-même un sanctuaire pur de toute souillure, bien s'orienter, observer rigoureusement le rite, cesser toute relation avec les affaires terrestres et être en communion intime avec Allah. Toute prière doit se terminer par un tachahhoud (serment) en prononçant la chahada (profession de foi musulmane) « J'atteste qu'il n'y a de Dieu qu'Allah et que Mohammed est son prophète ». Le mois de Ramadan est un mois de privations déprimantes. Ix*s Indigènes disent que le premier tiers dissout leurs réserves, le deuxième appauvrit leur sang et le troisième ronge leurs os. C'est dire d'une façon imagée combien il est pénible à supporter. Il est cependant accepté sans contrainte cl même avec joie par tout bon musulman. Ramadan est cependant le mois riche en querelles nées de ce régime anémiant. Dans nos écoles musulmanes, il est marqué par un ralentissement intellectuel certain et motive de nombreuses absences. Tout bon musulman doit observer un jeûne diurne rigoureux pendant le mois de Ramadan et le vœu de jeûner doit être renouvelé tous les soirs, lors de la prière, pour que le devoir religieux soit strictement rempli. L ’ abstinence complète de nourriture, de boisson, de parfums, etc. s ’ étend du lever du soleil au coucher du soleil. Les malades, les femmes enceintes ou nourrices, les vieillards impotents, les voyageurs et les enfants non pubères en sont dispensés, mais toute dispense entraînée par un état spécial et passager oblige à compenser ce jeûne jour pour jour dès qu ’ il est possible de le faire. Les enfants sont entraînés progressivement aux privations du Ramadan: la première année, ils jeûnent un jour (le premier jour de Ramadan). La deuxième année ils jeûnent les jours marquants du Ramadan (le lcr jour, le jour de mi-Ramadan et le 27 ’ “ jour). La troisième année, ils jeûnent 1 jour et mangent 2 jours, faisant ainsi 1/3 du Ramadan. La quatrième année, ils jeûnent 1 jour et mangent 1 jour effectuant ainsi 1/2 du Ramadan. La cinquième année, ils jeûnent 2 jours cl mangent 1 jour réalisant ainsi 2/3 du Ramadan. L ’ année suivante, le jeûne est complet, rigoureux. Le premier jour de jeûne d ’ un enfant est un événement heureux dans la famille. On y décide l ’ enfant par diverses promesses: beaux habits, douceurs, etc. « Si tu jeûne, lui dit- on, nous te ferons asseoir sur la margelle du puits, manger du miel avec une aiguille (ibra) et boire du lait avec un dé (holqua) ». Généralement, I enfant se laisse tenter par ces promesses. 11 est alors vêtu de son plus beau costume ; on le distrait en lui racontant de belles histoires et en le promenant. Sa maman lui prépare un beau petit pain décoré, en forme de poisson (houta) ou de lunette (himam chouari). Quand, vaincu par la faim, il demande à manger avant l ’ heure promise, on le fait patienter en l ’ amusant ou en lui disant: « Patiente encore un tout petit peu afin que ton jolie petit pain soit bien cuit ». Dès que le coup de canon libérateur a retenti c ’ est lui qui « rompt » le jeûne le premier en savourant les gâteries promises. Toute la famille l ’ entoure, l ’ admire et le flatte. Le jeûne est rompu par une légère collation consistant en dat les, potage au persil (harira) et café ; puis, après un repas d ’ un quart d ’ heure environ on prend un subtantif repas. Le repas fini, les hommes se dirigent vers la mosquée pour faire la prière ordinaire du « acha » suivie de la prière surérogatoire « chef a », puis on renouvelle le voeu de jeûne avant de revenir à la maison boire le thé. Ix* thé bu, on va faire une promenade ou on retourne prier à la mosquée. Vers 10 heures on va généralement se reposer en attendant le jour. Après « Vacha », du haut de chaque minaret, un joueur de « raïta » (espèce de hautbois) offre un concert aux gens de son quartier. Environ deux heures avant l ’ aube, du haut de chaque minaret un joueur de « zatout » (trompe) sonne sans arrêt pour annoncer qu ’ il est temps de penser au dernier repas de la nuit « sehour ». L n premier coup de canon matinal confirme l ’ avertissement du « zatout » et le « tabbel » du quartier (tambour) fait la tournée rapide des maisons pour en réveiller les habitués endormis. Ce répit de 2 heures est employé à préparer et prendre le dernier repas de la nuit, faire ses ablutions et aller à la mosquée faire la prière rituelle de l ’ aube en la doublant de la prière surérogatoire chefa. On récite en partie tout au moins, le poème « Borda » en l'honneur du prophète et, dès (pie le deuxième coup de canon s ’ est fait entendre, le jeûne redevient rigoureux et chacun part vaquer à ses occupa lions.

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