Zones marines protégées | Briand, Frédéric

Zones marines protégées 1573 proches de 100 °C ou encore dépourvus d’oxygène. Ces organismes, très peu connus, sont déjà des cibles privilégiées pour les industries pharmaceutiques et cosmétiques en quête de molécules actives nouvelles à fort potentiel biotechno- logique. Mais comment protéger ce que l’on ignore ? Les espèces migratrices méritent, elles aussi, une attention particulière : par- courant des centaines, voire des milliers de kilomètres chaque année, ces animaux sont de plus en plus fréquemment les victimes de filets dérivants, de déchets plas- tiques qui les étouffent, ou plus simplement d’une pêche accidentelle ou ciblée, quand ils ne sont pas tués lors de collisions avec un trafic maritime devenu dense. Ces animaux « emblématiques » (par exemple, les cétacés) sont souvent de grande taille, lents à atteindre l’âge reproducteur, donc vulnérables à la surexploitation. En tant que top prédateurs, ils constituent le pilier structurant des chaînes ali- mentaires marines. Qu’ils disparaissent et c’est tout un réseau trophique qui sera diminué, appauvri « par effets en cascade ». En Méditerranée, ces espèces incluent inter alia 9 espèces résidentes de mammifères marins, 3 espèces de tor- tues marines et 45 espèces de requins. Comment pourraient-elles se contenter de réserves minuscules ? Faute d’espace, faute de corridors entre zones proté- gées, leur survie à long terme paraît aléatoire. Nombre d’entre elles, notamment parmi les poissons cartilagineux (requins, raies) et les cétacés, sont déjà considé- rées comme « menacées » et, pour certaines, en danger critique d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature ( uicn ). Une histoire récente, un cadre légal en devenir Le contexte national Si le concept de réserve naturelle, lié souvent au sacré, est familier dans certaines contrées d’Asie depuis au moins 1 500 ans, il ne fait son apparition officielle en Occident que tardivement, autour des années 1870, avec le modèle anglo-­ saxon de « parc national » qui privilégie des sites continentaux quasiment inha- bités à forte valeur scénique, tout d’abord aux États-Unis, en Australie et au Canada avant d’essaimer, entre les deux guerres, dans plusieurs pays européens et leurs dépendances coloniales en Afrique et en Asie. Avec la création en 1948 de l’ uicn par des spécialistes de la faune et de la flore, le concept de zone pro- tégée évoluera qualitativement et le souhait de sauvegarder une nature vierge laissera peu à peu la place à la volonté de préserver un écosystème en fonction de critères plus scientifiques et sociétaux que purement esthétiques. L’extension du concept au domaine marin dut attendre quelques décennies supplémentaires, bien que la clôture ponctuelle de certaines zones côtières à la pêche soit connue depuis le Moyen Âge, et que le chalutage ait été banni en

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