Waqf | Deguilhem, Randi

1555 Waqf W aqf Laisser son empreinte dans la société durant son vivant et après son décès, tel est l’objectif de créer un waqf . Mot arabe, connu généralement comme habous dans le Nord de l’Afrique et dans certaines régions subsahariennes, le waqf (pluriel : awqâf ) – vakf dans les régions turcophones et persanophones – est couramment traduit en français par « fondation » et, plus récemment, par le terme anglais trust . Bien que des différences existent entre waqf et habous, les deux termes se confondent dans l’esprit des fondateurs et utilisateurs ainsi que dans les docu- ments qui enregistrent devant les instances juridiques de l’État les opérations portant sur les fondations waqf (location ou autres opérations sur les proprié- tés appartenant au waqf , changement d’administrateur d’un waqf , etc.). Phénomène de société – aucune mention n’y est faite dans le Coran bien que des hadiths sunnites et chiites en parlent : « lorsqu’une personne meurt, ses traces se perdent sauf dans trois cas : [… par le biais de…] une donation cou- rante (sadaqa jâriyya) , un savoir utile qui provient de lui ou une descendance qui prie pour lui » (Muslim al-Nîshâbûrî, Ṣaḥîḥ al-Muslim , vol. 5, p. 73) –, le waqf est une pratique omniprésente dans la Méditerranée musulmane à tous les niveaux socio-économiques depuis le premier siècle de l’islam jusqu’à nos jours (Çizakça, 2000). Cela sans oublier la période coloniale durant laquelle le waqf figurait parmi les enjeux majeurs dans les processus de l’intégration des biens immobiliers et agricoles des régions colonisées (Deguilhem, 2008). Une structure interconfessionnelle Loin d’être spécifique des sociétés musulmanes, le waqf est aussi un élément infrastructurel significatif au sein des communautés chrétiennes (Saliba, 2004) et juives (Toukabri, 2011) de la Méditerranée sud et orientale, et pour ces mêmes communautés dans l’Espagne musulmane (Carballeira Debusa, 2002). Il joue également un rôle structurel, interconfessionnel, dans les Balkans depuis l’époque