Voile | Kerrou, Mohamed

Voile 1535 Voile Dans Le Harem et les Cousins , Germaine Tillion analyse les liens fonctionnels et multiples entre le voile des femmes musulmanes et l’urbanisation, la noblesse et l’endogamie, le voile et l’héritage morcelé entraînant la destruction de la tribu ainsi que l’héritage et l’observance variée des rituels religieux. Le harem, le voile et la « république des cousins » sont, pour l’ethnologue de l’Aurès, plus anciens que la révélation coranique et sont le lot, dès le Néolithique, de toute une zone géographique, l’Ancien Monde. Certes, le voile, qui est également recommandé par saint Paul (Épitre X aux Corinthiens), constitue un « symbole de l’aliénation des femmes », et dans les pays musulmans une « véritable frontière » entre les deux sexes. Cependant, ce sont les mécanismes historiques et sociaux et non les prescriptions religieuses ou la jalousie masculine subtropicale qui ont généré, dans l’ensemble des villes méditerranéennes, le maintien des exigences monogamiques nobles élaborées par les clans nomades de l’Asie occidentale et de l’Afrique du Nord, selon l’ana- lyse de Germaine Tillion (1964). De son côté, Frantz Fanon montre dans L’An V de la révolution algérienne comment le voile est devenu, au terme d’une occupation brutale, l’enjeu d’une bataille symbolique par laquelle l’administration coloniale tente de mobiliser les femmes contre la société « indigène » patriarcale, pour parvenir à la destruc- tion de ses fondements culturels. La résistance à la déculturation s’opère par le combat armé et par le corps vécu de la femme. Si le voile protège l’intimité, ras- sure psychologiquement et isole socialement, le dévoilement perturbe et altère le schéma corporel de l’Algérienne qui doit ainsi réapprendre à gérer son dispositif physique et psychique en fonction des espaces publics à caractère ouvert et agressif. Avec ces deux références majeures de l’anthropologie et de la sociologie histo- rique de la Méditerranée, nous sommes en présence des « voiles traditionnels » qui étaient l’apanage des sociétés méditerranéennes contemporaines et qui sont apparus massivement, dans les pays musulmans, au cours de l’entre-deux-guerres. Ce n’était pas en tant qu’habit féminin séculaire et varié en fonction de l’espace

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