Virilité | Bromberger, Christian

Virilité 1533 d’avoir été amants de femmes septuagénaires », que l’on traite de pisados (pié- tinés) [Pitt-Rivers, 1997, p. 133]. Adjectifs et adverbes enregistrent ce trait de puissance sexuelle associé à la virilité : en latin virilis qualifie un homme, un vrai (verus vir) , « bien membré, bien monté » ; se conduire viriliter , c’est se conduire sexuellement en homme (Thuillier, 2011, p. 71). En islam, la virilité n’est pas seulement valorisée ici-bas, elle est reconnue au paradis où, parmi les délices, figurent des houris. Bouhdiba note « cette coextensivité du sexuel et du sacral en islam ». « Le chrétien, écrit-il, sera asexué au paradis. Or, le musulman, lui, y connaîtra un orgasme infini. » (Bouhdiba, 1975, p. 100‑102.) Ici-bas, la puissance sexuelle a pour corollaire la fécondité ; l’homme viril se doit d’avoir une nombreuse progéniture. Des traits physiques manifestent ces qualités de virilité : une musculature saillante, une voix grave, un système pileux développé (Bromberger, 2010, p. 89‑95), un teint hâlé mais aussi des attitudes qui témoignent, à l’opposé du mollasson, a fortiori de l’efféminé, d’une certaine dureté : le refus d’une tenue trop raffinée, de l’expression de ses sentiments ; un homme viril doit rester maître de soi, ne pas pleurer comme une femme ( mulie- briter en latin), ne pas embrasser sa compagne en public ; il s’oppose aux beaux parleurs par un discours bref mais assuré (sur ces différents aspects, voir, pour la Grèce, Sartre, 2011, p. 39‑43 ; pour Rome, Thuillier, 2011, p. 94‑102 ; pour le monde arabo-islamique, Chebel, 1995, p. 647). Selon la théorie des humeurs, l’homme viril a un tempérament chaud (sanguin) mais qu’il sait maîtriser, contrai- rement au matamore vantard et excessif. Mais la virilité n’est pas seulement une affaire de puissance physique et sexuelle. L’homme viril se doit de défendre l’honneur de sa famille et l’on sait que, dans les sociétés méditerranéennes, l’honneur de l’homme « dépend de la pureté sexuelle de sa mère, de sa femme, de ses filles et aussi de ses sœurs, et nullement de la sienne propre » (Pitt-Rivers, 1997, p. 50). Si une atteinte est portée à la pureté de l’une de ces femmes, le recours à la violence est jugé légitime. L’homme doit régler lui-même ces outrages à l’honneur et, si possible, avec panache. « Un certain idéal de brutalité virile » a pour complément « une dramatisation de la vertu féminine », écrit Germaine Tillion (1982, p. 67). La virilité implique aussi un comportement exemplaire de citoyen, une parole politique ferme qui ne transige pas et ne supporte pas les petits arrangements. L’homme viril, dans ses comportements politiques comme dans les pratiques quotidiennes, ne renie jamais la parole donnée. La trahison, la traîtrise sont à l’opposé de cette éthique. Fidèle aux valeurs de sa famille, de sa communauté, de sa patrie, l’homme viril les défendra au mépris de la douleur et de la mort. La virilité, épine dorsale du système traditionnel de « valeurs » dans le monde méditerranéen, est aujourd’hui remise en cause dans les sociétés du Nord comme du Sud. Une division moins inégalitaire des tâches et des espaces, une

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