Virilité | Bromberger, Christian

Virilité 1532 Virilité La virilité, un concept qui condense force physique, prouesses sexuelles, courage, fermeté morale, domination masculine, est un des topos de l’anthropologie des sociétés méditerranéennes. Dans la plupart des langues de cette région du monde, un terme spécifique se réfère à cet homme viril que l’on distingue de l’homme en général, ce dernier étant cependant toujours désigné par un mot masculin ; ainsi, en grec anèr s’oppose à anthropos , en latin vir à homo , en arabe insân à rajul . Si la masculinité est acquise, la virilité est, elle, construite au fil des âges de la vie, en particulier pendant l’enfance et la jeunesse. La force physique et le courage ( vir-tus en latin, littéralement la « qualité de l’homme ») s’acquièrent et s’éprouvent lors des jeux enfantins et en raison des modèles inculqués par les proches, en particulier par les femmes de la famille. Ainsi, en Kabylie : « À notre jeune garçon on apprend à regarder bien en face pour qu’il ne devienne pas un pleutre à l’assemblée du village, qu’il ait du prestige comme un lion féroce, qu’il mette tout le monde à ses pieds, qu’on craigne même son ombre. » (Lacoste-­ Dujardin, 1995, p. 71.) Le port d’une arme pour la chasse (pour la Provence, voir Bromberger, 1989, p. 137), pour la guerre, le droit donc de verser le sang, l’entraînement athlétique et militaire sont les symboles majeurs de l’entrée dans une carrière virile. À Sparte, on châtiait les « trembleurs » (tresantes) qui, au terme de cet entraînement, n’avaient pas tenu leur rang dans la phalange et avaient fui devant l’ennemi (Sartre, 2011, p. 28). La virilité suppose la puissance et le savoir-faire sexuels. Quels que soient le partenaire de la relation (une femme ou un jeune garçon en Grèce ancienne, à Rome, dans le monde arabe) et la technique érotique, l’homme viril, c’est le « pénétrant » (l’éraste dans la pédérastie grecque), et non le « pénétré » (l’éromène dans le même contexte), ou, pour reprendre les expressions de Paul Veyne (1985, p. 197), celui qui « sabre », et non celui qui « se fait sabrer ». L’homme viril, c’est celui qui « chevauche », et non celui qui se fait « chevaucher » (le sodomisé dans des relations homosexuelles), ou encore celui qui accepte une relation avec un(e) partenaire plus âgé(e), tels, en Andalousie, ces « employés agricoles soupçonnés

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