Ulysse | Pralon, Didier

Ulysse 1501 Ulysse Ulysse plus que tout autre ondoie. Il échappe à toute prise. Il n’appartient pas au cercle prestigieux des Argiens. C’est un insulaire de l’Ouest, roi d’un minus- cule îlot rocheux où ne broutent que des chèvres ( Odyssée , IV, 606). Son père, Laërte, ne se plaît qu’à cultiver son jardin. Sa mère, Anticlée, aurait été offerte par Autolycos, son père, bandit des pentes du Parnasse, à Sisyphe, son compère en brigandage et son hôte d’un soir, ce qui fait que parfois Ulysse est insulté comme « bâtard de Sisyphe » (Eschyle, Jugement des armes , fragment 175N). Dans l’ Iliade , il seconde Agamemnon, pareil au bélier qui rameute et entraîne le troupeau ( Iliade , III 196). Le seul épisode où il manifeste son excellence, la Dolonie ( Iliade , X), au cours de laquelle, secondé par Diomède, il espionne, de nuit, le camp des Troyens et massacre les Thraces nouveaux venus, est d’une authenticité suspecte, ne serait-ce parce que l’exploit obscur n’a aucune incidence sur la suite des événements. Homère n’évoque sa rivalité avec Ajax ( Odyssée , XI, 543‑567) et le stratagème décisif du cheval de Troie ( Odyssée , VIII, 499‑520) que dans l’ Odyssée . Ulysse ne se révèle, en effet, pleinement que dans l’ Odyssée où, les bons déplo- rant son absence, Télémaque, son fils, part à sa recherche auprès des anciens héros : le vieux Nestor, déjà vieux dans l’ Iliade , et Ménélas, déjà promis à l’île des Bienheureux, avec Hélène revenue au foyer. Il parcourt là un monde cré- pusculaire ( Odyssée , I-IV et XV). Dans le même temps, Ulysse raconte aux Phéaciens ses vagabondages chez les Cicones, les Lotophages, les Cyclopes, les Lestrygons, Circé, aux abords du monde des morts, son passage près des Sirènes, puis à travers les Planctes, entre Charybde et Scylla, son séjour dans l’île du Soleil, puis chez Calypso, non sans être repassé par les Planctes. Ces évocations ont fait, plus que tout, sa gloire. Elles lui ont appris le monde et l’ont révélé d’abord à lui-même, dans sa solitude ( Odyssée , V-XII). Il serait erroné toutefois d’en faire un explorateur de la Méditerranée, puisqu’il erre à l’aventure contre son gré, dans des régions inconnues, que nul n’a visitées après lui. Pour marquer cette rupture définitive, Poséidon pétrifie le navire phéacien qui a déposé Ulysse sur le rivage d’Ithaque et projette d’ensevelir Schérie... Homère