Tauromachie | Saumade, Frédéric

Tauromachie 1422 Tauromachie Tradition médiatique, la tauromachie a donné lieu à un débordement de topiques et de spéculations qui tient à son caractère extrême de jeu avec la mort, mais aussi, bien sûr, à la présence dans l’arène d’un animal particulièrement fascinant, le taureau. Le premier de ces lieux communs est issu d’un discours savant qui, flatté par l’étymologie grecque du vocable espagnol tauromaquia (tauros makhê) , affirme l’ascendance antique du spectacle. Ainsi les exégètes de la tauromachie évoquent-ils, comme s’il s’agissait d’un totémisme occidental, le culte du tau- reau, symbole de puissance et de virilité, qui relierait sous une vague bannière hellénistique les civilisations sumérienne, égyptienne, crétoise, grecque, romaine aux actuels jeux de l’arène. Au xix e siècle, tandis que s’épanouissait cette éru- dition échevelée, il était aussi de bon ton, comme pour souligner la force du particularisme orientaliste espagnol, d’exalter dans la tauromachie un prétendu héritage arabe médiéval ; le Cid Campeador en personne aurait eu à affronter les chevaliers sarrasins lors de joutes taurines aussi somptueuses qu’imaginaires (González Alcantud, 2007). Un art populaire mis en forme par la culture savante Le parti pris idéologique est ici d’autant plus évident que, d’un point de vue his- torique, les jeux d’arènes modernes ne sont en rien le prolongement des cultes bovins de l’Antiquité. La tauromachie recèle à peine davantage d’éléments d’ori- gine arabe. Sur le plan technique, ces derniers se limitent au style de monte à la jineta – étriers relevés, jambes pliées à angle droit – que les chevaliers espagnols adoptèrent à l’époque de la guerre de Reconquista, qui s’est imposé ensuite dans la cavalerie militaire et, plus tard, dans la version équestre du jeu d’arènes, le rejoneo . Sur le plan architectural, nulle trace de bâtiments taurins omeyyades, bien sûr ; tout au plus les amateurs de kitsch pourront-ils apprécier le modèle

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