Taha Hussein | Deheuvels, Luc-Willy

Taha Hussein 1417 moderniste de la vie de Muhammad, dans les trois tomes de ‘Alâ hâmich al-Sîra (En marge de la Sîra) . Dans Mustaqbal al-thaqâfa fî Misr (L’Avenir de la culture en Égypte) , il plaide pour un système conciliant harmonieusement l’ancien et le moderne, un ensei- gnement à étendre à tous. Ce livre paraît en 1938, deux ans après l’accession au trône du roi Farouk et la signature du traité anglo-égyptien théoriquement appelé à mettre fin à l’occupation britannique, un an après le traité de Montreux supprimant le régime des Capitulations, en un moment où l’Égypte cherche à affirmer pleinement son identité, dans un monde aux horizons menaçants. Participant de cette dynamique, Taha Hussein profite de cet ouvrage de défi- nition des grandes lignes de réforme du système éducatif en Égypte pour déve- lopper son plus important travail de pensée sociale et politique. Il y affirme que, culturellement, l’Égypte et l’Europe appartiennent à un même bassin de civilisation, façonné à travers les âges autour de la Méditerranée avec l’apport essentiel de l’époque pharaonique, des Grecs, des Romains, et des grandes religions monothéistes. Sans rien oublier de l’arabité de l’Égypte, pré- sente dans la langue et un patrimoine ancestral, Taha Hussein appelle à un rejet de toute définition qui, se fondant sur une bipolarisation du monde entre Orient et Occident, installerait l’Égypte à l’est. Il s’oppose à ceux de ses compa- triotes qui voient dans l’Égypte une part d’un Orient étendu jusqu’à l’Inde et la Chine, et récuse l’affirmation de Kipling « Oh East is East, and West is West and never the twain shall meet » (« Oh, l’Orient est l’Orient, l’Occident l’Occident, et jamais les deux ne se rencontreront »). Paul Valéry est invoqué pour mieux récuser toute division entre Orient et Occident qui couperait l’Égypte d’un vaste ensemble où, pour Taha Hussein, doit se développer la démocratie, dans un monde parvenu à un stade où la rai- son peut affirmer son indépendance et s’exercer pleinement. Il en appelle aux inspirations méditerranéennes du penseur français et entend prouver qu’elles sont totalement applicables à l’Égypte : Taha Hussein voit en Paul Valéry celui qui a pu caractériser l’esprit européen, en le ramenant à trois fondamentaux qui sont la civilisation hellénique – avec ce qu’on y trouve sur le plan de la littéra- ture, de la philosophie et de l’art –, la civilisation romaine pour la politique et le droit, enfin le christianisme et ses valeurs. Il estime impossible d’analyser la rai- son islamique en Égypte et au Proche-Orient sans la voir s’ancrer dans ces trois mêmes éléments. Taha Hussein met en avant l’influence hellénique en Égypte depuis l’Antiquité, ainsi que l’influence romaine. Il rappelle aussi, en amont, l’importance de l’apport de l’Égypte pharaonique à la civilisation hellénique : la pensée européenne est fille de la civilisation égyptienne. C’est aussi par les contacts avec le monde islamique que s’est développée la raison en Europe au Moyen Âge, grâce aux philosophes du monde arabo-islamique et au mouvement

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