Taha Hussein | Deheuvels, Luc-Willy

Taha Hussein 1416 publique entre 1950 et 1952, il lance un appel à l’enseignement libre et gra- tuit pour tous. Le nouveau régime issu de la Révolution le consacre. Premier à recevoir le prix d’État en 1958, il est élu, en 1963, à l’unanimité, président de l’Académie de langue arabe du Caire. À sa mort en 1973, sa maison est trans- formée en musée. Son itinéraire est celui d’un combattant pour le triomphe de la rationalité, mais aussi d’un polémiste qui, au début des années 1920, met sa plume au service des libéraux-constitutionnels et de leur organe de presse, al-Siyâsa . En 1925, il prend fait et cause pour ‘Alî ‘Abd al-Râziq, dont l’ouvrage L’Islam et les Fondements du pouvoir défend la thèse de la séparation du politique et du religieux en Islam. Le scandale provoqué par le livre est énorme, un an après la suppression du califat par Mustafa Kemal, et son auteur, azharien libéral-constitutionnel, est destitué de son titre d’ouléma, malgré les articles enflammés de Taha Hussein. Cette affaire se calme à peine que Taha Hussein se trouve au cœur d’une crise d’une extrême gravité, qui dépasse largement les frontières du monde arabo-­ islamique. L’origine en est la parution en 1926 de son livre Fî l-chi’r al-jâhilî (La Poésie antéislamique) , recueil de conférences qu’il avait données à l’université. Au nom du doute cartésien, il y remet en cause l’authenticité de la poésie arabe antéislamique, source de référence – y compris pour l’exégèse –, et y appelle de plus à une approche scientifique laïcisée des textes sacrés, ce qui provoque un choc terrible. « L’Ancien Testament, affirme-t‑il, peut nous parler d’Abraham et d’Ismaël, le Coran peut nous en parler aussi ; pourtant, le fait que leurs noms apparaissent dans les deux textes ne suffit pas pour prouver historiquement qu’ils ont existé. » La lecture de tels passages fait frissonner d’effroi nombre d’oulémas. La réaction, partie d’al-Azhar, prend immédiatement une dimension nationale, provoquant une crise gouvernementale. Les exemplaires du livre sont mis sous scellés et Taha Hussein, accusé d’apostasie, s’exile en France de mai 1926 à jan- vier 1927, cependant que des livres entiers paraissent pour réfuter ses thèses (quatre pour la seule année 1926) et qu’il est contraint au silence. L’affaire est classée sur le plan juridique ; sitôt la décision rendue publique, l’ouvrage reparaît sous un titre à peine modifié, Fî l-adab al-jâhilî (La Littérature antéislamique) , après que l’auteur en a enlevé les passages les plus incriminés. Cette entreprise de réexamen de la littérature arabe classique est conduite à travers un grand nombre d’ouvrages dont beaucoup restent des références aujourd’hui : ainsi Hadîth al-Arbi’â’ (Causeries du mercredi) , dont les trois tomes publiés entre 1926 et 1945 regroupent des études sur la littérature arabe, depuis l’époque omeyyade jusqu’au xx e siècle. Par ailleurs, tout en continuant à revendiquer une liberté d’investigation scien- tifique des textes sacrés, il entreprend entre 1933 et 1937 une vaste relecture

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