Sarrasins | Tolan, John

Sarrasins 1367 Sarrasins « Sarrasin » est un terme d’origine obscure : on le trouve dans des textes de géographes grecs ( Σαρακηνός ) puis latins (Sarracenus) , dès le i er siècle de notre ère, pour désigner un peuple ou une tribu du Nord-Ouest de la péninsule Arabique. Peu à peu, le mot devient synonyme d’« Arabe ». Jérôme, dans ses Commentarii in Ezechielem , affirme que les Ismaélites (c’est-à-dire les des- cendants d’Ismaël, ancêtre des Arabes selon les traditions exégétiques juives et chrétiennes), qu’on peut appeler aussi Agarènes (d’Agar, mère d’Ismaël), « maintenant s’appellent Sarraceni, usurpant faussement le nom de Sara, car ils prétendent être nés d’une femme libre et souveraine ». Dans la Genèse, Ismaël est en effet le fils d’Abraham et de sa servante Agar, tandis que son frère cadet, Isaac, né de Sara, est l’héritier légitime. Abraham chasse Agar et son fils de sa maison, et un ange prédit qu’Ismaël sera un « véritable âne sau- vage, cet homme ! Sa main contre tous, la main de tous contre lui, à la face de tous ses frères, il demeure » (Genèse, XVI, 12). Pour Jérôme, cette prophétie se confirme dans les raids dévastateurs que les Sarrasins du désert infligent aux monastères égyptiens. Déjà au v e siècle, 200 ans avant l’essor de l’islam, une image négative du Sarrasin ravageur s’est formée. On la retrouve chez d’autres auteurs, tel Isidore de Séville au vii e siècle. Pour maints auteurs grecs et latins, les conquêtes musulmanes du vii e au ix e siècle ne sont pas un phénomène fon- damentalement nouveau, mais plutôt la manifestation la plus récente d’une férocité sarrasine qui daterait de l’époque d’Ismaël. Le terme « sarrasin », de référence ethnique à l’origine, devient peu à peu un terme d’appartenance religieuse. Les « Sarrasins » sont ceux qui suivent la « loi de Mahomet », aussi appelée « loi des Sarrasins ». Certes, en Europe, on connaissait parfois très mal cette « loi » : certains auteurs (poètes épiques, mais aussi chroniqueurs) imaginaient que les Sarrasins étaient des idolâtres qui ado- raient des statues de leurs faux dieux, dont Mahomet (ou Mahon) était le prin- cipal. Dotés d’une civilisation puissante, opulente et lettrée dont on convoitait les richesses, mais aussi adeptes d’une loi que les auteurs chrétiens présentaient

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=