Préhistoire | Bracco, Jean-Pierre

Préhistoire 1308 la préhistoire. Pour le Paléolithique, c’est celui des mythiques Out of Africa , de la sortie hors d’Afrique des premiers hominidés puis des populations d’ Homo sapiens , pour laquelle la Méditerranée est considérée comme une voie naturelle par sa zone orientale – Proche-Orient, couloir anatolien et rive orientale de la mer Noire – ou par sa partie occidentale (détroit de Gibraltar). C’est donc la relation entre l’Afrique et l’Eurasie qui est ici posée pour la zone méditerranéenne, consi- dérée comme un espace partagé entre rives sud et nord qui font office de zones de passage ou au contraire, en dehors des moments d’expansions démographique ou culturelle, de barrière entre l’Ancien Monde et l’Afrique. Cette vision, forte- ment corrélée au nomadisme des sociétés paléolithiques et appuyée sur le constat anthropologique indubitable de l’origine africaine de la lignée Homo et des pre- miers représentants de notre espèce (Homo sapiens) , masque les profondes dispa- rités et discordances chronologiques entre les rives nord et sud constatées dans la culture matérielle. En effet, si les premiers témoignages en Palestine, à partir de 1,4 Ma et en Afrique du Nord, un peu plus tardivement, montrent des sys- tèmes techniques en accord avec ce que l’on connaît à la même période en Afrique orientale, les plus anciennes occupations humaines septentrionales : Dmanisi, en Géorgie, datée entre 1,7 et 1,4 Ma, ou les sites de Barranco Léon, Fuente Nueva et Sima del Elefante en Espagne, datés autour de 1,2 Ma, livrent au contraire une industrie lithique fondée sur une production d’éclats légers peu normés, associés à des outils lourds à tranchant peu régulier, soit des équipements techniques très différents des ensembles en partie bifaciaux connus à la même époque au sud de la Méditerranée. Il faut donc se dégager d’une vision en partie mythique de la sortie hors d’Afrique (pour laquelle une référence biblique inconsciente est pro- bablement à l’œuvre [Stoczkowski, 1994]) pour imaginer, autour du bassin médi- terranéen, des processus plus complexes que celui de vagues migratoires linéaires. Il est en revanche patent que ces plus anciens peuplements forment le substrat sur lequel vont émerger, au nord de la Méditerranée, les sociétés acheuléennes, à partir de 500 000 ans environ, puis moustériennes à partir de 300 000 ans. L’analyse de la culture matérielle montre en effet, pour cette rive nord, un conti- nuum des traditions techniques lithiques pendant plusieurs centaines de milliers d’années. Le parallélisme des évolutions techniques, la circulation des idées et des matériaux perceptibles à travers la culture matérielle démontrent l’existence de réseaux sociaux et d’échanges importants. L’espace méditerranéen sera en outre le seul occupé pour l’Europe, avant la mise au point de progrès techniques décisifs (feu, vêtements ?) qui permettront l’occupation des zones de moyenne latitude. C’est un phénomène similaire qui se produit au sud de la Méditerranée, claire- ment inclus dans un monde africain, lui aussi support de nombreux échanges, et de circulation des idées et des populations. Il semble donc que ni les multiples variations climatiques et paléoenvironnementales, ni les processus phylogénétiques

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