Poil | Bromberger, Christian

Poil 1280 largement tombée en désuétude, est supprimée par la lettre motu proprio du pape Paul VI en 1972. Quant aux femmes, les textes fondateurs du christianisme leur recommandent modestie et pudeur capillaires. « La nature elle-même ne vous enseigne-t‑elle pas qu’il est déshonorant pour l’homme de porter les cheveux longs ? Tandis que c’est une gloire pour la femme, car la chevelure lui a été don- née en guise de voile », dit saint Paul dans l’Épître aux Corinthiens (XI, 14‑15) déjà mentionnée. Dans cette même épître, saint Paul rappelle sans ambages la soumission de la femme à l’homme et l’obligation qu’a celle-ci de se couvrir lorsqu’« elle prie ou prophétise ». Indépendamment des offices religieux, il était de coutume, jusqu’au début du xx e siècle sur la rive nord de la Méditerranée, que les femmes se couvrent la tête en public et ne dénouent leur chevelure que dans l’intimité conjugale. « Femme en cheveux / Viens si tu veux », disait le proverbe français. Associée à la sexualité, la chevelure l’est aussi à son renoncement ; à la tonsure des moines répondait, naguère, chez les religieuses le rasage de la che- velure, lors de leur entrée dans plusieurs ordres. Ce même souci volontariste de distinction a pesé sur le façonnage de l’appa- rence en islam. « Distinguez-vous des mages » (c’est-à-dire des prêtres zoroas- triens persans), « N’imitez ni les juifs ni les chrétiens », aurait dit le Prophète. Le port de la barbe et de la moustache, étroitement codifié, figure au rang des démarcateurs forts, avec d’infinies nuances, de l’appartenance à une même communauté. Bernard Lewis nous rappelle la vigueur médiévale de ce jeu d’op- positions qui n’a rien perdu de sa virulence de nos jours : Hârûn ibn Yahya, pri- sonnier à Rome au ix e siècle, remarquait que les habitants de la ville, « jeunes et vieux, se rasent entièrement la barbe, n’épargnant pas le moindre poil. “La parure de l’homme, leur dis-je, c’est sa barbe !” ». Cette volonté de démarcation communautaire est explicitée par un exégète contemporain, le cheikh ibadite Bayyûdh, ardent propagandiste de l’obligation religieuse du port de la barbe : « Il est demandé et même ordonné aux musulmans de se donner une person- nalité spécifique, dans le but de se différencier de ceux qui n’ont pas la même confession qu’eux, de se faire reconnaître d’autrui et entre eux-mêmes. Cette personnalité doit être leur blason et la marque qui les singularise. » (Cité par Benkheira, 1997, p. 92.) L’obligation, pour les femmes, de couvrir leur chevelure dans les espaces publics n’est pas explicitement mentionnée dans le Coran : le verset 31 de la sourate XXIV, La Lumière, et le verset 59 de la sourate XXXIII, Les Factions, ont donné lieu à des interprétations contradictoires ; mais était-il nécessaire, au temps de l’hégire, de rappeler une coutume que tout le monde respectait ? Aujourd’hui, le port du foulard, de la cagoule à l’iranienne, du voile, etc., tout comme celui, masculin, de la barbe, peut refléter, selon les lieux et les circonstances, la fidélité à la tradition, le conservatisme ou le radicalisme, ou encore le souci de passer inaperçu.

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