Poil | Bromberger, Christian

Poil 1278 Poil Avec la forme du nez, la couleur de la peau et des yeux, l’apparence pileuse est le principal trait d’identification physique des individus. Comme elle se prête, sans grand risque, aux traitements les plus divers (du rasage au frisage, de la dissimu- lation à l’ornementation), elle offre de singulières propriétés pour symboliser les différences entre les sexes, entre les statuts sociaux, entre populations voisines ou lointaines, entre traditions religieuses, mais aussi entre soumis et insoumis, entre l’ordre du monastère et l’errance de l’ermite, entre le civilisé et le sauvage, etc. Populations, sociétés, religions n’ont pas manqué, dans le monde méditer- ranéen, d’utiliser ce trait démarcateur pour se différencier les unes des autres et pour symboliser leurs hiérarchies internes. Un exemple éloquent de correspondance entre formes de pilosité et stratifica- tion sociale est fourni par l’Égypte pharaonique. Les pharaons (mais aussi la pha- raonne Hatchepsout, qui régna pendant la xviii e dynastie au xvi e siècle av. J.‑C.) portaient une barbe postiche, privilège qu’ils partageaient avec certains dieux. Hommes et femmes de l’élite avaient aussi la prérogative de s’approprier la che- velure des autres (sous forme de postiche, ce qui les préservait des poux). Les pre- miers portaient une perruque tombant sur leurs épaules. Leurs fils adultes, qui étaient leurs subordonnés, portaient, eux, une perruque ronde, plus courte. Leurs serviteurs et musiciens avaient le crâne rasé ; quant aux paysans et aux ouvriers des ateliers, ils portaient leurs propres cheveux. Et tandis que les perruques étaient d’un noir uniforme, les cheveux des subalternes gardaient leur nuance naturelle. Autre différence : alors que les hommes de l’élite avaient le visage lisse, ceux du peuple avaient souvent une barbe de plusieurs jours. Quant au statut des femmes de l’élite, il était signalé soit par les tresses que celles-ci ajoutaient à leur cheve- lure naturelle, soit par une perruque qu’elles portaient sur leurs cheveux et qui tombait sur leur poitrine. Leurs servantes gardaient leur chevelure naturelle ou éventuellement portaient des perruques plus courtes que celles de leur maîtresse. Dans l’Antiquité, l’art d’arranger cheveux et poils était aussi un puissant démarcateur entre populations. Les Romains traitaient avec dédain la Gaule

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