Poésie | Baquey, Stéphane

Poésie 1273 l’espace linguistique et culturel qui s’est par ailleurs déployé à l’est et au sud de la Méditerranée à partir du vii e siècle, lors de l’expansion arabo-musulmane. La poésie hébraïque occupe elle aussi une position complexe et d’une grande pertinence pour la construction d’une perspective méditerranéenne. Trois grands moments s’imposent, impliquant des dynamiques de transferts et des topologies de la frontière spécifiques. En premier lieu, la poésie biblique, par-delà le canon religieux, est, à côté de la source gréco-latine, un grand code à partir duquel se sont formées les littératures européennes. La référence à cette poésie a en parti- culier joué un rôle déterminant dans la redéfinition du discours poétique à la fin de l’âge classique, à partir de la notion de sublime telle qu’on la trouvait exposée dans le traité du Pseudo-Longin. Les figures de l’inspiration et de l’expression balaient alors les embarras nés du cadre aristotélicien centré sur l’imitation, et annoncent la redéfinition romantique de la poésie. La poésie hébraïque appa- raît ainsi comme le modèle d’une authentique poésie primitive, parallèlement à la relecture d’autres traditions, y compris de l’épopée homérique. Le deuxième moment est celui où, après la destruction du Second Temple et la formation des diasporas juives, la poésie hébraïque devient elle-même le réceptacle d’autres tra- ditions poétiques parmi lesquelles elle se remodèle, qu’il s’agisse du piyyut litur- gique, aux v e -viii e siècles, dans l’espace byzantin, de la qaçîda et d’autres modèles arabes, aux x e -xii e siècles, dans l’espace arabo-andalou (Y. Halevi), ou encore, à partir du xiii e siècle, de la transposition de modèles des poésies romanes, de la canso troubadouresque au sonnet italien. Cette période est également celle de la diffusion, à la suite de l’expulsion des juifs d’Espagne, en 1492, de la poé- sie en judéo-espagnol, du Maghreb à la Méditerranée orientale. Enfin, la troi- sième période est celle de la formation d’une poésie hébraïque moderne, tout d’abord en Europe orientale (C. N. Bialik). Cette poésie a contribué, à la suite de l’émigration en Palestine, à l’institution progressive d’une poésie nationale dès les années du mandat britannique. Elle s’est défaite pour cela de ses liens avec la culture de l’exil et, en particulier, avec le yiddish, associé à cet exil. La poésie arabe est une autre source qui va se diffuser largement dans l’es- pace méditerranéen et au-delà. Son modèle initial est fortement ancré dans la société tribale de la péninsule Arabique et ses voisinages syrien et irakien. Les sept grandes odes antéislamiques, les Mu‘allaqât , en forment le canon princi- pal. Leur modèle, celui de la qaçîda monomètre et monorime, avec trois mou- vements thématiquement reconnaissables, a été codifié à partir du viii e siècle. Il est l’un des fondements de l’arabité littéraire, ceci dans une opposition stricte à la prose, mais aussi au texte coranique. La poésie qui se développe ensuite, poésie urbaine et souvent attachée à la vie de cour, à Bagdad et ailleurs, tout en gardant les mêmes schémas métriques, s’ouvre à d’autres modes de vie et à des influences nouvelles, en particulier persanes. Dès la fin du vii e siècle, s’est développée dans

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