Photographie | Mégnin, Michel

Photographie 1235 sultans. La cour, les princes et les notables suivent l’exemple avant que ne se multiplient les petits métiers, enfants et autres mendiants. L’habit, la posture et le statut social priment sur toute autre considération, mais une tradition plus ethnographique remonte au calotype (Ernest Bénécké). L’étude du cos- tume fait l’objet de deux projets : La Géographie des peuples de Ludovic Hart (Égypte et Syrie, 1865) et l’album commandé par le sultan à Pascal Sebah à l’occasion de l’Exposition universelle de Vienne : Les Costumes populaires de la Turquie (1873). Au souci occidental de « préserver la mémoire de ce qui est beau et pittoresque » répond la volonté ottomane de s’opposer à l’unifor- misation européenne et d’encourager les peuples de l’Empire à de « vifs sen- timents de solidarité ». Bien qu’elle mette aussi en avant le costume, la notion de « type » qui légende les tirages albuminés après 1870 porte un autre programme. À l’esprit de corps d’un empire menacé répond l’ambition européo-centrée de classer et répertorier afin de mieux connaître mais aussi de hiérarchiser : régionalisme et racialisme. Pour la Méditerranée, la mosaïque de peuples et l’habit d’arlequin sont des tro- pismes. Donc, pas de type méditerranéen mais type du Sud, type méridional ou type d’Orient, type provençal, marseillais, napolitain, arabe, kabyle, algérien, de Bou Saada, turc, juif, etc. Du Sud à l’Orient, le regard occidental reproduit pourtant nombre de correspondances et de constantes. Quelle différence entre le lazzarone napolitain et le yaouled d’Alger ? Mêmes réitérations avec la mise en scène de la misère et surtout la fascination pour les corps. À la recherche du paradis perdu, l’échange et la domination se heurtent aussi à l’interdit. Interdits et transgressions Nulle part le corps de la femme ne lui appartient. Dès le voyage de Goupil-Fesquet et d’Horace Vernet quand Méhémet Ali photographie une femme de son harem et quand ‘Abd al-‘Azîz, descendant du Prophète, photographie ses épouses favorites (1901), ils exercent un pouvoir dont ils définissent aussi les limites. En Orient, la ségrégation des sexes en est une. À Constantinople, Mme Astras pro- pose en 1847 de se rendre chez l’habitant pour « photographier des femmes de religion musulmane ». Plus tard, Sonya Narinsky peut s’introduire dans des harems du Caire mais l’« échange » se complique quand l’image devient publique et commerciale. En terre d’Islam, le photographe est confronté au même défi que le peintre : trouver des modèles qui acceptent de poser. Aux réti- cences culturelles ou religieuses s’ajoute parfois l’interdit politique : Abdülhamid II utilise sa police pour s’assurer que des femmes musulmanes ne sont pas photo- graphiées dans les studios de sa capitale. Le photographe choisit donc des modèles de substitution : filles juives, arméniennes ou caucasiennes, garçons déguisés, marginaux et prostituées, ce qui décrédibilise d’autant le fameux « alibi

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