Peristiany, John George | Handman, Marie-Élisabeth

Peristiany, John George 1203 qui l’anthropologie ne devait concerner que des sociétés auxquelles l’anthropologue était totalement étranger, il décide d’aller faire du terrain « chez lui » à Chypre, persuadé que l’on peut appliquer les méthodes de l’anthropologie, alliée à la socio- logie, aux sociétés complexes, fussent-elles proches. Il restera deux ans dans le vil- lage montagneux d’Alona, en compagnie de son épouse, présence précieuse qui lui fournira des données sur les femmes qu’un homme, étranger au village de surcroît, ne pouvait approcher. Il y retournera pour de courts séjours entre 1967 et 1974. Son ami John Campbell, qui fut son doctorant dans les années 1950 – sa thèse intitulée Honour, Family and Patronage … est la première monographie consa- crée par un anthropologue à une communauté rurale grecque –, regrette dans les quelques pages qu’il lui consacre dans l’ouvrage édité à sa mémoire (Campbell, 1995) que Peristiany n’ait jamais écrit de monographie d’une société méditerra- néenne. Il a laissé cependant plusieurs articles sur Alona, disséminés dans les revues et ouvrages dont, le plus souvent, il a été l’éditeur ou le coéditeur. En 1959, à la demande de l’Unesco qui cherchait depuis 1953 à promouvoir les sciences sociales en Grèce, mais ne recevait aucun écho de la part du gouverne- ment, il fonde à Athènes le Centre de sciences sociales, lieu d’enseignement et de recherche, notamment de l’anthropologie jugée trop subversive pour être admise à l’Université. Ne disposant pas d’un vivier suffisant de chercheurs et d’enseignants grecs répondant aux critères scientifiques requis en Europe occidentale, Peristiany fit appel à des chercheurs français, britanniques et américains. Parmi eux, Henri Mendras, Bernard Kayser, Guy Burgel, Pierre-Yves Péchoux, Michel Sivignon, John Campbell, Ernestine Friedl…, où l’on voit que la géographie humaine se tailla la part du lion à une époque où la sociologie et l’anthropologie n’avaient encore que très peu investi l’Europe du Sud-Est. Le Centre se dote d’une biblio- thèque (3 000 volumes en 1967) et produit une revue, La Pensée sociologique (Koinonioloyiki Skepsi) , qui ne sortira que deux numéros et laissera la place à la Revue des recherches sociales du Centre national des recherches sociales ( ekke ) , nouvelle dénomination de la même institution sous la dictature des colonels (1967‑1974). La dictature, en effet, ne ferme pas le centre ; elle se contente de le renommer, d’en licencier tous les chercheurs marxistes ou jugés trop à gauche (trois cher- cheurs grecs, N. Voulelis, G. Notaras et V. Filias, seront arrêtés et emprisonnés) et de faire disparaître archives et documents ; Peristiany donne sa démission à la fin de l’année 1967. Il était cependant loin d’appartenir à une quelconque obé- dience marxiste. C’était un conservateur libéral, un démocrate ouvert à toutes les formes de pensée à condition que l’idéologie n’entravât point la qualité scientifique. Obligé de quitter Athènes en 1969, il se réfugie à Chypre où il crée, toujours sous l’égide de l’Unesco, une institution semblable à celle d’Athènes, le Social Research Center. Ultérieurement, en 1978, il sera nommé ambassadeur de Chypre à Paris, Madrid et Lisbonne, et le restera jusqu’en 1981 ; sa résidence sera fixée à Paris.

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