Pèlerinage | Albera, Dionigi

Pèlerinage 1193 ne s’est pas agi d’une révolution soudaine, mais d’un changement étalé dans le temps. Une pluralité de lieux de culte (et de divinités) y a longtemps dominé, avec des manifestations pèlerines variées. La réforme de Josias au vii e siècle, et par la suite les événements liés à l’exil babylonien et au retour des exilés, ont cepen- dant profondément modifié le paysage cultuel. On assiste alors à une centralisa- tion du culte à Jérusalem. Comme un miroir de l’unicité de Dieu, le Temple de Jérusalem devient le seul lieu de culte autorisé, le seul canal de communication avec le divin. Il est aussi le pôle d’attraction exclusif des pèlerins juifs. À l’époque du Second Temple cette pratique connaît un plein succès, en drainant vers la Ville sainte et son temple aussi bien les habitants des régions limitrophes que les juifs de la diaspora. Le pèlerinage à Jérusalem s’accompagnait de cérémonies dans le temple, d’offrandes et de sacrifices sanglants. Trois fêtes de l’année étaient spécialement liées à l’afflux des pèlerins : Pessah (Pâque) ; Chavouoth (Semaines) et Soukkot (Tentes). Le terme hébraïque pour désigner le pèlerinage à Jérusalem était Aliyah le-regèl (« montée pour la fête »). Seuls les hommes adultes étaient tenus de se rendre au temple, mais la participation des enfants et des femmes était habituelle. À ces trois rendez-vous traditionnels s’ajouta la fête de Hanoukka (Inauguration), instituée pour célébrer la purification du temple après la vic- toire des Maccabées en 165 av. J.‑C. À ces occasions, des foules convergeaient vers Jérusalem. Les pèlerins pro- venant des villes bordant la Méditerranée voyageaient en bateau, d’autres arri- vaient dans des caravanes, comme ceux de l’importante communauté juive de Babylone. Même si l’on ne peut pas accorder du crédit aux estimations exagérées de certains textes anciens – pour Flavius Josèphe, les pèlerins auraient été presque 3 millions, pour le Talmud (Pessahim, 64b) 12 millions ! –, ces pèlerinages figu- raient sans doute parmi les plus imposants du monde antique. Certains passages bibliques exaltent la joie qui accompagnait ces rassemblements : « Je suis dans la joie quand on me dit : Allons à la maison de l’Éternel ! Nos pieds s’arrêtent Dans tes portes, Jérusalem ! Jérusalem, tu es bâtie Comme une ville dont les par- ties sont liées ensemble. C’est là que montent les tribus, les tribus de l’Éternel, Selon la loi d’Israël, Pour louer le nom de l’Éternel. » (Psaumes, cxxii, 1‑4.) La destruction du Temple de Jérusalem par les Romains, en 70 de notre ère, modifia profondément le contexte et les caractéristiques du pèlerinage juif. La visite de la Ville sainte devint une manifestation de la douleur pour la perte du temple et de la ville. Les pèlerins juifs pleuraient, jeûnaient et priaient autour de l’esplanade du temple détruit. Le pèlerinage se déroulait encore principalement au moment des trois fêtes de Pessah, Chavouoth et Soukkot. Naturellement, l’afflux des pèlerins dépendait de la bonne volonté des autorités romaines puis byzan- tines. Durant certaines périodes, la présence juive fut formellement interdite,

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=