Pêche | Faget, Daniel; Gilbert, Buti

Pêche 1176 la côte à la force des bras ( eissaugue provençale, boletxes catalan) ou bien d’une embarcation ( gangui , « pêche à la vache » du Languedoc, gànguil de l’Albufera de Valence), ces filets ont pour particularité de balayer les prairies de posido- nies, les fonds de vases ou de sables coralligènes, afin d’y traquer pleuronectes et sélaciens. Statiques ou mobiles, ces différents engins de pêche étaient autre- fois constitués de matériaux fragiles et se caractérisaient par une usure rapide. Leur confection alimentait un artisanat très actif, pour l’essentiel aujourd’hui disparu, et leur entretien mettait en œuvre des savoir-faire similaires sur l’en- semble des rivages de la Méditerranée. Les filets de chanvre, retenant l’humi- dité, étaient soumis à des altérations dont on retardait les dommages par le procédé de la teinture. Celle-ci était pratiquée à l’aide de l’écorce ou rusque du pin maritime (Pinus pinaster) , dont on obtenait une décoction en la faisant bouillir dans le chaudron communautaire. Les nasses et casiers (gireliers, embor- niers provençaux, nansas espagnoles) étaient le plus souvent élaborés à l’aide de tiges de myrte (Myrtus communis) , leur imputrescibilité garantissant la longé- vité des matériels. Pour l’essentiel, la confection des filets à madragues utilisait les mêmes matériaux que ceux employés pour l’élaboration des autres engins de pêche. La dimension de ces pêcheries fixes et le coût de leur entretien suffisaient toutefois à les ranger dans un monde différent de celui de la pêche artisanale. Les communautés de pêche traditionnelles ont offert au cours des siècles pas- sés des visages très diversifiés. Les différences concernaient d’abord les formes d’habitat et d’insertion dans l’espace littoral. De la simple cabane de roseaux languedocienne ou marocaine au quartier urbain spécifique, l’habitat des pêcheurs peut être analysé à l’époque moderne comme le résultat de conditions naturelles (insalubrité du littoral), mais aussi comme la conséquence de processus histo- riques qui pouvaient mettre en œuvre l’ancienneté de la communauté (quartiers Saint-Jean à Marseille, de Jonquières à Martigues, Saint-Jean à Toulon), ou des décisions politiques souvent tardives (quartier de la Barceloneta à Barcelone, créé de toutes pièces en 1753). À ces différences dans les modes d’habiter se super- posaient une pluralité d’activités qui n’étaient pas toujours entièrement dédiées à la pêche. De la même façon que sur les côtes de l’Atlantique, la présence d’un arrière-pays cultivable expliquait la coexistence en Méditerranée, au sein de mêmes familles de pêcheurs, de temps partagé entre la culture de la vigne ou du blé et la pêche. Sous les effets de la conjoncture, la pluriactivité a pu apparaître comme une formule de repli provisoire ou définitif. Entre 1660 et 1730, de petits ports languedociens, comme Frontignan et Sérignan, connurent un sensible déclin de la pêche côtière à la suite d’une plus stricte réglementation des prises et de la concurrence de Sète. Ces difficultés conduisirent les pêcheurs à réduire leurs activités halieutiques et à s’approcher des vignes. Inversement, des difficultés rencontrées à terre imposèrent parfois un regard vers la mer nourricière, voire

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