Orientalisme | Pouillon, François

Orientalisme 1125 Orientalisme Qu’est-ce que l’orientalisme ? Plusieurs choses assurément. Toute la gamme des modes de connaissance (linguistique, historique, ethno-folklorique, civili- sationnelle) et de représentation (peinture, photographie, décoration, musique) de l’Orient. Où est l’Orient ? Au sud-est de l’Europe à coup sûr, et jusqu’aux confins des terres habitées. Le problème est : où commence-t‑il ? La question sensible est de situer la frontière entre le même et l’Autre et de quel côté de la frontière on se place. L’orientalisme, c’est bien connu, opposerait radicalement un Orient et un Occident entre lesquels on peut bien imaginer le mariage – voir les saint-­ simoniens – mais certainement pas la confusion. Kipling le dit : « East is East and West is West ! » La Méditerranée n’échapperait pas à cette polarisation. Quand bien même il n’y aurait pas eu d’islam pour donner forme à ce grand partage, on voit bien dans la pensée grecque, comme dans le christianisme primitif, se mettre en place une opposition entre l’Est et l’Ouest, marquée par des valences opposées comme des vents contraires : le froid et le chaud, le rationnel et le merveilleux, l’ordre apollinien et le désordre dionysiaque, etc. S’il est excep- tionnel que l’on se revendique d’un seul côté sans chercher à capter quelque chose de la puissance de l’autre, il y a une conscience claire de s’inscrire dans une géographie en termes de rupture et de polarité. Et c’est à la suite de cette structure que l’on voit des Occidentaux, de tout temps et avec toutes sortes d’objectifs, se porter vers un Orient qui les intéresse autant qu’il les fascine. La réciproque est vraie, et l’on a appelé cela « occidentalisme ». Si certaines logiques de l’utopie et de la mystique, et surtout les quêtes liées à la conversion mystique vers l’islam et les autres religions « orientales », envisagent d’autres harmonies entre les contraires, c’est que ce monde reste organisé selon une logique de la frontière, pour ne pas parler d’exclusion et de nettoyage ethnique, comme on le fait aujourd’hui. En ce sens, l’orientalisme serait congénitalement opposé à l’idée de construire ici une mer commune, fondée sur la synthèse, l’échange, la communauté.

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=