Mozarabes | Bosseman, Gaelle

Mozarabes 1019 déterminer les conditions de vie des communautés chrétiennes. Ainsi, avec le pacte dit « du calife ‘Umar II » (717‑720), apparaît une première série de mesures discriminatoires et restrictives à l’égard des dhimmis. Destiné à prévenir toute remise en cause de la position dominante de l’islam et tout risque de contacts et d’acculturation, ce corpus législatif interdit notamment aux chrétiens le pro- sélytisme, la possession d’esclaves musulmans ou la construction de nouvelles églises. Mais différents indices montrent que ces dispositions législatives étaient l’objet de lectures plus ou moins strictes en fonction du contexte et des orienta- tions religieuses du souverain. L’emploi du terme « mozarabe » pose un certain nombre de problèmes. En premier lieu, son apparition tardive reste limitée aux sources latines. Il n’apparaît jamais dans les sources arabo-musulmanes pour désigner les chré- tiens d’al-Andalus. Employé pour la première fois sous la forme muzarave dans deux actes léonais de la première moitié du xi e siècle, il serait toutefois une tra- duction de l’arabe musta’rib ou musta’rab , qui désigne des individus arabisés. La forme passive musta’rab est probablement à l’origine de la forme latine dans la mesure où elle désigne l’acquisition de la langue et de la culture arabes par une personne non arabe, mettant ainsi l’accent sur le phénomène de l’acculturation. À cette étymologie arabe s’oppose une étymologie latinisante, proposée dès le xiii e siècle par le métropolitain de l’Église de Tolède, Rodrigo Jiménez de Rada, qui les qualifie de « mixti Arabes » , « parce qu’ils vivaient mêlés aux Arabes » (« eo quod mixti Arabibus convivebant ») . Son apparition dans un contexte latin nous incite à le comprendre comme une volonté de distinguer, selon un critère linguistique, les mozarabes exilés vers le nord de leurs coreligionnaires, en met- tant l’accent sur leur caractère arabisé. À ces premières difficultés liées à l’origine obscure du terme s’ajoute une certaine ambiguïté née de la pluralité de ses utilisations. Le mot a désigné des objets contradictoires : ont ainsi été qualifiées de « mozarabes » la langue romane, dérivée du latin wisigothique, ou la liturgie hispano-wisigothique en usage avant la réforme grégorienne au prétexte qu’elles étaient en usage chez les mozarabes. De la même manière, l’adjectif « mozarabe » a pu connaître un élargissement abusif dans les domaines culturels et artistiques. La circu- lation des hommes et de la culture matérielle de part et d’autre de la fron- tière islamo-chrétienne a donné lieu à l’emploi du terme « mozarabe » pour désigner les manifestations culturelles de ces chrétiens dans les territoires du Nord. Dans l’architecture et dans l’enluminure, le terme « mozarabe » désigne ainsi des œuvres présentant des thèmes ou des formes artistiques emprun- tés au registre islamique. Néanmoins, qualifier d’« art mozarabe » l’art espa- gnol du haut Moyen Âge exagère le poids des éléments mozarabes dans les productions artistiques.

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