Métissage | Bonniol, Jean­-Luc

Métissage 927 de l’interpénétration sociale et culturelle qui érode les principes de coercition ini- tiaux, dans un continuum – terme issu de la linguistique créole – au sein duquel les sujets semblent bénéficier d’une certaine marge de liberté, dans la mesure où ils ont la possibilité de choisir, en fonction des contextes, dans une palette diver- sifiée de modèles de conduite… La créolisation peut être ainsi conçue comme une certaine manière de gérer une diversité première et le rapport à l’Autre qu’elle implique, de régler une tension interne, qui résulte de la confrontation perma- nente de modèles contradictoires susceptibles d’orienter à divers moments les comportements individuels. Ce terme, au-delà des contextes historiques précis dans lesquels il a pris nais- sance, connaît aujourd’hui un développement hors de son territoire originel, puisqu’il est désormais employé pour désigner un mode particulier de dyna- mique culturelle au travers duquel les sociétés plurielles contemporaines, à l’heure de la mondialisation, semblent retrouver certaines caractéristiques structurelles, et par là certaines tendances évolutives des sociétés créoles historiques. Peut-il, tout comme celui de métissage, s’appliquer au temps long de la Méditerranée, dans lequel semble se manifester avec évidence l’interpénétration des peuples et des cultures ? L’idée de la Méditerranée comme espace privilégié de rencontres et de métissage culturel est apparue dans les années 1930 en Afrique du Nord, puis s’est exprimée de manière privilégiée dans les Cahiers du Sud (1935 ; 1942), profilant, derrière la figure de l’« homme méditerranéen », une Méditerranée utopique symbolisée par le lieu et le moment exceptionnel que fut al-Andalus…On peut à juste titre repérer ces situations privilégiées de confluences interculturelles dès l’Antiquité : des évidences archéologiques attestent, lors de la colonisation grecque, notam- ment en Méditerranée occidentale, des échanges culturels entre Grecs et Barbares ; les entreprises d’unification impériale semblent d’autre part avoir été particulière- ment propices au mélange des peuples et des cultures, quand le métissage « bio- logique » n’est pas politiquement revendiqué… Alexandre entend ainsi mettre à exécution une volonté de sortir de l’enfermement des origines : après avoir pris pour femme Roxane, fille d’Oxyartès de Bactriane, il exhorte, lors des fameuses « noces de Suse », acte symbolique très solennel révélateur de son désir de fondre en un seul peuple les Perses et les Grecs, dix mille de ses compagnons à épou- ser le même jour des femmes asiatiques, alors que lui-même épouse Stateira, fille aînée de Darius III. Et les mariages se font à la mode perse…Malgré l’éclatement de l’Empire, les mélanges culturels se poursuivent dans les royaumes épigones, donnant naissance à ce qu’il est convenu d’appeler la civilisation hellénistique. La seconde grande entreprise d’unification impériale, celle de Rome, qui réussit à embrasser l’ensemble du pourtour méditerranéen, constitue également, sous le signe de la romanisation (et de la latinisation…) des peuples indigènes, un cadre

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=