Mauvais œil | Zirari, Hayat

Mauvais œil 880 de son père, et enfin Actéon, rendu aveugle car coupable de voir ce qu’il ne faut pas : la nudité de la déesse. La transgression souvent involontaire, provoque la métamorphose, la cécité ou la mort (Kaplanian, 2006). Ainsi, ces mythes replacent le regard, son usage et sa légitimité dans les codes autant sociaux que religieux des sociétés et cultures. Le regard a maintenu sa puissance au-delà des mythes pour s’ancrer dans le quotidien. Le processus de socialisation s’en trouva ainsi marqué notamment par les codes relatifs aux manières de voir et de savoir « regarder ». Les regards peuvent être affirmatifs et francs (Pasqualino, 1998), comme ils peuvent être fuyants et inexpressifs. L’une des règles de conduite fondamentales des sociétés patriarcales trans- mises à travers les générations consiste à éduquer le regard. Il en est ainsi du dis- positif de contrôle social du corps et de ses expressions manifestes et publiques dans de nombreuses sociétés. Dans les pays où le contact direct entre hommes et femmes est soumis à un contrôle social fort, voire à sa prohibition – le corps caché et les yeux voilés –, le regard devient langage et se substitue à la parole tue. Il devient et se voit ainsi établi dans le rôle de médiateur. Dans certaines sociétés méditerranéennes, notamment celles où le contrôle du corps est prégnant, l’expression et la forme que peut prendre un regard (baissé, droit, franc…) sont appréhendées à travers ces registres symboliques et informent ainsi sur le degré de conformité de l’individu aux règles et normes sociales : un regard baissé serait un signe de sa pudeur, de sa docilité ou alors de son insou- mission. La codification du regard renvoie à la notion de h’chouma (« pudeur ») et des limites prescrites de ce qui peut se voir ou ne peut être vu. Cette codifi- cation implique plusieurs catégories et niveaux de relations : le regard envers les aînés, les femmes et les hommes, les enfants et les parents. La manière de regarder des jeunes, notamment des jeunes filles, serait d’une grande importance car elle est associée à la séduction et à la sexualité. Voiler le regard serait empêcher le désir de s’exprimer, telles sont les règles dans les cultures rigoristes. Il serait un impératif de préservation de l’ordre établi car de la façon de regarder l’autre, notamment le féminin, dépend la préservation de l’ordre social. Dans ce sens, le regard jouerait alors un rôle subversif. Du regard au mauvais œil Si le regard est une expression de nos sensations internes – tels le désir, la colère, la peur –, le mauvais œil serait l’expression d’une pensée ou de l’intention néga- tive animée par l’envie ou par la jalousie à l’égard d’une personne, avec ou sans désir de lui nuire .

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