Mariage | Bonte, Pierre

Mariage 846 traitement de la notion de genre qui interdit l’hypogamie féminine, mais non masculine, et produit des effets de hiérarchie. Il s’est imposé dans le monde ber- bère par exemple ou encore dans le monde turc où les règles d’alliance de mariage, auparavant, relevaient pourtant de l’échange généralisé, des structures élémentaires de la parenté, et privilégiaient le mariage avec la cousine croisée matrilatérale. Le mariage musulman est constitué comme un contrat, auquel un divorce, aisé s’il est à l’initiative du mari, peut mettre fin. Le mariage chrétien se consti- tue tôt comme un « sacrement » et en tirera, chez les catholiques, des caractères particuliers. Le contrôle ecclésiastique sur l’union matrimoniale se manifeste ainsi par une extension des interdits matrimoniaux au septième degré sur le modèle romain. Le champ ainsi défini des unions reste cependant cognatique, borné par les représentations de l’union sexuelle comme produisant una caro fieri , « une seule chair », et il subsiste une certaine prise en considération de la « proxi- mité », fût-elle éloignée collatéralement et définie par les règles canoniques. De fait, l’histoire du mariage dans le monde catholique est marquée de cycles, dis- tinguant des périodes où des parents plus proches sont épousés et d’autres où sont réaffirmés les interdits et le contrôle de l’Église, lors du concile de Latran (1215) par exemple. La déchristianisation du droit positif occidental a vu lever progressivement l’ensemble des interdits canoniques dans les sociétés contempo- raines, hors l’inceste entre ascendants-descendants et entre germains. En même temps on a assisté à une évolution de la condition des femmes, qui acquièrent plus d’autonomie dans le choix du conjoint et dans la vie du couple. Les résis- tances à cette évolution sont cependant souvent plus fortes dans les sociétés médi­ terranéennes, musulmanes mais aussi chrétiennes, que dans le reste de l’Europe. Le mariage est aussi un rituel qui constitue un des principaux rites de pas- sage ; il peut prendre des formes très différentes, dans cette aire méditerranéenne, selon les sociétés concernées, et présenter aussi des variations selon les époques. Au Maroc, les formes « traditionnelles » du rituel, où le mari était assimilé au sultan, sont ainsi remplacées ces dernières décennies par un rituel dit « des sept toilettes » qui déplace l’attention vers l’épouse, soulignant d’une certaine manière une transition d’une « monarchie » fondée sur l’allégeance à une « monarchie » de forme constitutionnelle. Ces rituels sont aussi l’expression du contrôle social, et la dé-ritualisation du mariage accompagne le déclin de celui-ci comme ins- titution. Les évolutions contemporaines, caractérisées par la croissance des unions libres et des naissances hors mariage, sont là encore moins marquées dans le contexte méditerranéen que dans le reste de l’Europe. Les mariages collectifs, pouvant concerner des milliers de couples simultanément, qui se répandent dans le monde musulman, mais aussi dans certaines Églises chré- tiennes et sectes, témoignent cependant de l’efficacité de ce contrôle rituel et social sur l’institution.

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