Mariage | Bonte, Pierre

Mariage 845 Mariage L’étude du mariage peut être envisagée du point de vue de l’alliance, c’est-à-dire des règles qui président au choix du conjoint et qui contribuent à déterminer l’ordre social. Ces règles dans les sociétés méditerranéennes s’interprètent diffici- lement dans le cadre des théories élaborées par les anthropologues, et ce constat a entraîné l’ouverture de débats qui se sont organisés surtout autour de la pra- tique du « mariage arabe », entre les enfants de deux frères, en tant que forme préférentielle d’union dans nombre de sociétés musulmanes. On retiendra de ces débats qu’ils ont attiré l’attention sur un trait qui caractérise plusieurs socié- tés méditerranéennes : la pratique du « mariage dans un degré rapproché » (de consanguinité). Ce trait s’accompagne généralement de définitions restreintes des prohibitions de l’inceste : on observe ainsi des mariages entre cousins ger- mains, mais aussi entre demi-germains (en Grèce ancienne, en dehors des occur- rences dans la Bible, motif symbolique plus que réalité attestée) et même entre germains en Égypte ancienne où, à l’époque ptolémaïque du moins, ils semblent concerner toutes les classes sociales. Ces pratiques de l’alliance correspondent à des structures « complexes » de la parenté qui ne relèvent pas seulement de la manipulation des positions consan- guines pour produire de l’ordre social, mais répondent à d’autres impératifs – économiques, politiques, statutaires – qui s’intègrent aux stratégies d’alliance de mariage pour fermer ou ouvrir les groupes d’affiliation, ainsi que pour gérer dans le temps des biens, des titres et d’autres capitaux symboliques (tel l’hon- neur familial qui inclut, dans le monde arabo-musulman, le capital matrimo- nial lui-même que constituent les femmes du groupe). Ce contrôle, masculin, entériné dans le droit musulman par l’institution du « tuteur » (wali) , s’exerce aussi en ce cas à travers d’autres formes de mariage, par rapt, « par échange » (de sœurs ou autres femmes proches, mariage badal arabe), mais il est aussi à l’ori- gine des crimes d’honneur (sororicide) qui caractérisent certaines régions de la Méditerranée. Le mariage arabe s’est diffusé dans d’autres sociétés musulmanes, bien que cette règle ne soit en rien établie par le dogme, car il correspond à un

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