Madrague | Buti, Gilbert; Faget, Daniel

Madrague 817 Chine et au Japon, l’intensification de la pêche du thon rouge de Méditerranée a été rendue possible par la révolution de la senne tournante opérée par l’industrie halieutique au début des années 1970. L’efficacité de ces longs filets circulaires, dont le maniement permet exceptionnellement la capture de 100 tonnes de thons en une seule manœuvre, a été décuplée durant la même période par le renfort des radars, des sonars, des cartes satellitaires et des avions de repérage largement utili- sés par les senneurs. Au cours de la première décennie du xxi e siècle, l’apparition des cages à thons remorquables et la construction d’une cinquantaine de fermes d’engraissement, pour l’essentiel aménagées sur les littoraux maltais et espagnols, ont accentué cette tendance à la surexploitation de la ressource. Sous l’égide de la Commission internationale pour la conservation des thoni- dés de l’Atlantique ( cicta ), organisme de pêche intergouvernemental qui gère le thon rouge en Méditerranée, des quotas de plus en plus sévères ont cependant été imposés aux thoniers depuis quelques années. En 2011, les senneurs français ont ainsi dû réduire leurs captures à 600 tonnes, tandis que le nombre de bâti- ments en exercice se limitait à neuf. Critiquées par les mouvements environne- mentalistes, qui jugent ces quotas encore trop élevés, et qui dénoncent des pêches clandestines toujours actives, les limites de prises imposées aux senneurs semblent avoir eu un effet positif pour l’espèce. Les scientifiques estiment aujourd’hui la biomasse du stock reproducteur du thon rouge à 200 000 tonnes, ce qui est jugé satisfaisant pour une reconstitution de la population des thonidés. Parallèlement à cette politique de mise en œuvre d’une exploitation raisonnée de la ressource, on observe, sur certains littoraux, le retour de la pêche traditionnelle du thon de ligne, qui permet d’écouler sur les marchés et dans les restaurants un produit labellisé offrant aux pêcheurs une meilleure valeur ajoutée. Les progrès des tech- niques d’aquaculture sont enfin souvent présentés comme une réponse possible à l’augmentation de la demande mondiale. Malgré des avancées récentes dans la maîtrise de la ponte des thonidés, le contrôle du cycle complet de l’élevage de ce poisson n’est toutefois pas encore assuré. Tout autant qu’une relance des madragues, largement hypothéquée par les changements d’itinéraires qui carac- térisent la migration du thon rouge en Méditerranée depuis plus de cent ans, les promesses de l’aquaculture et d’un retour à des pêches plus traditionnelles appa- raissent tributaires de contingences globales, liées aux grands déséquilibres qui altèrent aujourd’hui les écosystèmes marins. En l’absence d’aliments protéinés assimilables pouvant se substituer aux poissons fourrages (anchois, maquereaux, sardines) ingérés par les thons d’élevage, l’épuisement programmé de la produc- tion mondiale des farines de poisson condamne à court terme les parcs d’engrais- sement. Les teneurs élevées de mercure accumulées dans les graisses et les tissus du thon rouge font peser par ailleurs une menace réelle sur la santé des consom- mateurs, puisqu’en 2010 des analyses effectuées par des chercheurs de l’Institut

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