Madrague | Buti, Gilbert; Faget, Daniel

Madrague 816 sur les pouvoirs locaux, il entend affirmer son autorité sur les rivages. Après avoir décidé en 1851 de ne plus renouveler les autorisations d’établissement de pêche- ries, l’État prononce, par le décret-loi de janvier 1852, la suppression de toutes les pêcheries fixes immergées de Méditerranée (madragues et bordigues) et d’ail- leurs. Il marque ainsi sa volonté d’affirmer l’existence d’un domaine littoral public dégagé de tout privilège et de le contrôler. Des préfets, maires et pêcheurs adressèrent des suppliques afin d’obtenir le rétablissement des madragues, en invoquant la nécessité d’assurer la subsistance du petit peuple étant donné la faiblesse des rendements des techniques auto- risées (thonaires et seinches). En 1874, le ministre de la Marine autorisa, sous certaines conditions, le rétablissement de quelques madragues sur le littoral pro- vençal. Pourtant, leur nombre fut limité, leur installation de courte durée et les prises furent médiocres, en raison sans doute d’une modification de la « route migratoire des thons » (raisons climatiques et pollution des rivages). La der- nière madrague des côtes de la France méditerranéenne, située à Niolon près de l’Estaque au nord de Marseille, cessa de fonctionner en 1913. Dans un contexte différent, l’évolution est toutefois semblable sur les autres littoraux. Ainsi, les madragues tunisiennes, parfois très anciennes comme celle de Sidi Daoud (attestée dès le xv e siècle), mais pour l’essentiel mises en place aux environs de 1820, demeurèrent durant plus d’un siècle et demi une acti- vité strictement italienne, avant de passer à d’autres concessionnaires. Au début du xx e siècle, on en comptait encore une dizaine, mais leur nombre ne cessa de décliner en même temps que les prises réalisées, les deux dernières étant exploi- tées à la fin du siècle par l’Office national des pêches. Aujourd’hui, d’aucuns appellent au rétablissement de madragues dont l’usage s’est maintenu en quelques localités méditerranéennes (Carloforte en Sardaigne, Favignana en Sicile), mais l’écho de ces appels demeure insignifiant sinon folklorique. Les prises effectuées dans les rares madragues en service n’in- vitent guère à la renaissance d’engins sans doute voués à disparaître. Les scom- bridés n’ont pas déserté la Méditerranée, mais le thon rouge est devenu, dans les eaux internationales méditerranéennes, un enjeu qui dépasse les limites de cet espace et qui invite à ranger les madragues dans le magasin des accessoires du patrimoine maritime. Objet de rivalité durant toute l’époque moderne et le xix e siècle, la capture du thon rouge suscite toujours d’âpres controverses en Méditerranée. Présenté à la fin de la décennie 2000 comme proche de l’extinction par les principales organi- sations écologistes, Thunnus thynnus a connu un pic d’exploitation entre 2003 et 2010, années durant lesquelles sa population s’est réduite de plus de 80 %, laissant craindre la mise en péril de ses capacités élémentaires de reproduction. Stimulée par une forte demande asiatique, puisque les 4/5 des captures sont écoulés en

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