Levantin | Ilbert, Robert

Levantin 788 Levantin À la fois qualificatif et substantif, le mot « levantin » est synonyme d’étranger dans les villes-ports de la Méditerranée orientale, du moins jusqu’à un certain point. En effet, « levantin » ne désigne pas un groupe ethnique ou religieux mais des individus (catholiques, protestants, juifs, orthodoxes ou autres), ce qui est quelque peu paradoxal en une Méditerranée ottomane totalement fon- dée sur la reconnaissance communautaire depuis les Capitulations signées entre François I er et Soliman le Magnifique. Paradoxal est d’ailleurs le caractère prin- cipal du Levantin, à la fois déprécié et nécessaire, intermédiaire indispensable dans la mécanique des échanges, autonome mais dépendant du consul comme du représentant local ottoman. Pratiquement, cette situation prend sa source dans un malentendu à la fois linguistique et culturel. Du côté français, la condition de ses ressortissants dans l’Empire ottoman est définie par des traités d’alliance négociés par François I er entre 1530 et 1536. Ces traités sont renouvelés tout au long du xvi e siècle et appelés, sans distinction, « Capitulations ». Ils reconnaissaient aux commerçants non ottomans un statut d’extraterritorialité ; ils les faisaient dépendre des juri- dictions consulaires, y compris pour l’attribution des successions. Ce système s’accordait à la gestion ottomane des minorités reconnues comme groupes struc- turés. En cela, les Capitulations désignaient pour les pouvoirs locaux une ges- tion spécifique de leurs minorités (par tête) et, tout particulièrement, des plus turbulents : commerçants et négociants européens vivant dans les villes-ports. Les problèmes soulevés par cette situation n’ont cessé de s’accumuler jusqu’à l’ère des Tanzimât ou Réformes de la première moitié du xix e siècle, et plus précisément jusqu’à l’ouverture des Tribunaux mixtes imposée par la créa- tion d’une nationalité ottomane (1866). L’histoire des Levantins se joue donc sur plus de trois siècles et sur la tota- lité des territoires contrôlés par les sultans, entre des consuls jaloux de leur influence mais obligés de composer avec les pouvoirs locaux et des individus qui n’hésitent pas à profiter de leur situation pour échapper aux poursuites tant

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